Félix Tréguer est chercheur en sociologie et activiste à la Quadrature du Net, une association de défense des libertés numériques. En 2019, il a écrit L’utopie déchue : une contre-histoire d’Internet aux éditions Fayard.
Reporterre — À la suite des attentats terroristes et la crise du Covid-19, c’est comme si nous vivions dans un double état d’urgence, à la fois sanitaire et sécuritaire. Quel regard portez-vous sur cette période si particulière où se multiplient les mesures de surveillance ?
Félix Tréguer — Les crises sont très souvent des moments d’intensification et d’accélération des logiques de contrôle. Depuis 2001, on s’est accoutumés aux crises terroristes et aux législations « d’exception ». Ce qui fait la particularité de ces derniers mois, avec notamment la crise sanitaire, c’est le fait qu’on assiste à une succession rapide de crises de différentes natures qui se superposent les unes aux autres et accélèrent la dérive autoritaire du pouvoir.
On a, en effet, l’impression que tout avance de concert, comme une offensive généralisée…
Oui, les promoteurs de ces dispositifs de surveillance en profitent et appuient sur l’accélérateur. Par exemple, après les attentats [à la Basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice, et l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty], on a vu Christian Estrosi réclamer dans une lettre au Premier ministre la légalisation de la reconnaissance faciale, Éric Ciotti tenter d’amender la proposition de loi sur la sécurité globale avec des dispositions sur ce thème et Valérie Pécresse plaider pour la reconnaissance faciale dans les transports franciliens.
« Selon le gouvernement Valls, la loi sur le renseignement était une réponse aux attaques. En fait, ce sont plutôt les attaques qui ont créé les conditions politiques d’une acceptabilité sociale de ces mesures. »
En réalité, ces projets sont dans les cartons depuis longtemps — le…
Auteur: Gaspard d’Allens (Reporterre) Reporterre
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