Au Bénin, construire à tout prix

Construire et habiter « chez soi » sont, au Bénin comme dans bien d’autres pays d’Afrique – du Togo à la Tanzanie et du Mali au Botswana –, des ambitions largement partagées par tous ceux qui, des classes populaires aux élites, parviennent à s’assurer des revenus un minimum stables et suffisants pour dégager une certaine épargne.

La construction artisanale est ici la norme, le propriétaire engageant un maçon et son équipe pour édifier la maison. Seule la construction d’un bâtiment à étages demande l’intervention de techniciens en bâtiment qualifiés. De tels projets ne concernent fondamentalement que l’élite et les fractions supérieures des classes moyennes, concentrées dans les grandes agglomérations que sont Cotonou, Porto-Novo ou Parakou, même si leur présence est aussi visible ailleurs, au travers des quelques maisons à étages et petits immeubles des agglomérations plus modestes.

Dans les villes secondaires et les campagnes, et même dans les périphéries des grandes villes, une nette majorité des projets de construction en restent au niveau du rez-de-chaussée, et se négocient entre un propriétaire auto-promoteur et un maçon. La croissance urbaine importante du pays, où les statistiques officielles estiment désormais que la moitié des quelque 12 millions de Béninois vivent en ville, se nourrit largement de cette dynamique d’auto-construction dans laquelle chacun s’engage corps et biens. Dépôts de ciment et de matériaux de construction, mais aussi chantiers d’habitations, sont d’ailleurs omniprésents dans un pays littéralement en chantier.

L’avancée du front urbain à Togbin, dans la banlieue de Cotonou, où quelques constructions déjà achevées cohabitent avec chantiers d’ampleurs diverses et parcelles de maraîchers.
J. Noret, Fourni par l’auteur

Les enjeux de cette croissance urbaine sont multiples, et sa planification délicate. Mais pour les gens mobilisés par ces projets, l’investissement dans la construction et l’accès à la propriété sont à la fois une question de conditions d’existence et de possibilités ultérieures d’accumulation, et une question de reconnaissance sociale fondamentale.

Les voies tortueuses de la construction

En juillet 2022, dans Abomey, une petite ville de province, je repassai voir Guy (les prénoms ont été modifiés), une vieille connaissance que j’avais fréquentée il y a une douzaine d’années. La quarantaine bien engagée, celui-ci s’était vu allouer il y a une quinzaine d’années un emplacement dans la parcelle de son père, afin d’y construire son propre logement. Plombier de profession, il disposait à l’époque de revenus lui permettant un niveau suffisant d’épargne pour s’engager dans un tel projet, et il se mit donc au travail. Il conçut le plan d’un bâtiment de quatre petites chambres et un salon,…

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Auteur: Joël Noret, Professeur d’anthropologie, Université Libre de Bruxelles (ULB)