Au Brésil, les vieux habits de l'impérialisme économique

Frans Post. — « Ansicht der Insel Itamaracà in Brasilien » (Vue de l’île d’Itamaracà au Brésil), 1637.

Octobre 2009, le président Luiz Inàcio « Lula » da Silva visite le chantier titanesque qui drainera les eaux du fleuve São Francisco vers les terres du Sertão au nord du Brésil, frappé par une sècheresse chronique. L’année suivante, le Fonds monétaire international (FMI) annonce que le pays est devenu la sixième puissance économique mondiale, devant le Royaume-Uni. Pour les observateurs occidentaux, un géant est né. Un succès qui, dit-on, récompense les efforts d’une société dont le métissage ethnique suscitait l’admiration de l’écrivain autrichien Stefan Zweig : « Semblables aux cailloux roulés par le torrent qui sont d’autant plus lisses qu’ils se sont longtemps frottés les uns aux autres, ces millions d’hommes ont vu, par le mélange permanent et la vie commune, s’effacer jusqu’à devenir invisible l’arête aiguë de leur particularisme originaire, en même temps que grandissait ce qui leur est commun et semblable. »

Lire aussi Renaud Lambert, « Icare ou l’impossible démocratie latino-américaine », Le Monde diplomatique, mars 2021.

Onze ans plus tard, en 2020, le président Jair Bolsonaro ironise sur les feux géants qui ravagent l’Amazonie et le Pantanal dans l’État du Mato Grosso : « La forêt est intacte, pas un mètre carré ne manque. Elle est trop humide et ne prend pas feu. » Peu soucieux de la détresse de la population, où le chômage atteint des niveaux records, il laisse filer le prix des aliments de base : + 65 % pour l’huile de soja et 51,7 % pour le riz, bien au-delà d’une inflation contenue à 4,5 %. La même année, les statistiques agrégées des vingt-six États qui composent la fédération du Brésil, révèlent que 2 251 enfants et adolescents de 0 à 19 ans ont été tués par la police, dont 69 % de Noirs, en deux ans.

Pour bien des commentateurs, le Brésil serait passé du rêve au cauchemar : du « bon » « Lula » d’un pays émergent et autocentré, au « méchant » Bolsonaro déterminé à ressusciter un Brésil colonial, blanc, autoritaire, rural, avec le soutien des grands propriétaires terriens, des militaires et des églises évangéliques. Cette narration ne résiste guère à l’analyse des structures économiques, sociales et culturelles du Brésil. Lesquelles montre au contraire une certaine invariance au fil des siècles.

Dès la colonisation par le Portugal, au XVIe…

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Auteur: Julien Dourgnon