Au Brésil, l'un des pays dont la police tue le plus au monde, les mères des quartiers pauvres s'organisent

« Nous, les mères des quartiers pauvres, on n’a que nos corps pour lutter. » Assise à la table d’un fast-food déserté de la Baixada Fluminense, dans la banlieue nord de Rio de Janeiro, Nivia Raposo pèse ses mots et soutient le regard. Depuis l’assassinat, en 2015, de son fils Rodrigo, elle est en lutte. Nivia est l’une des porte-voix du réseau des mères de la Baixada, un collectif de mères endeuillées, dont les enfants ont été tués par la police, des milices ou bien ont disparu.

Rodrigo avait 19 ans lorsqu’il a été abattu en pleine rue, devant la maison familiale. Nivia se remémore en détail les derniers moments de la vie de son fils. Le récit lui coûte mais, si elle vit encore aujourd’hui, c’est « pour le raconter ». Quelques jours plus tôt, un policier militaire, voisin de la famille, avait interpellé Rodrigo et tenté – sans y parvenir, de lui extorquer de l’argent. Ce voisin, contre lequel Nivia témoignera dans le cadre de l’enquête sur la mort de Rodrigo, est membre d’une milice qui sévit dans un quartier proche. Tandis que l’assassin présumé est mis en fuite par les habitants et habitantes du quartier, s’en suit, pour la famille, le trop habituel déni de justice : une enquête bâclée, puis un procès qui n’en finit plus de se faire attendre. « Je ne pense pas que mon fils n’a pas eu de chance, je pense qu’il n’a pas eu de justice » résumait récemment Nivia dans une lettre publique.


Nivia Raposo, Nova Iguaçu, 19 février 2021. Crédit photo : Juliette Rousseau.

Un jeune noir meurt toutes les 23 minutes au Brésil

En 2005, un massacre commis par la police militaire de Caxias (un des quartiers de la Baixada) avait déjà poussé les mères de la région à s’organiser. Vingt-neuf personnes avaient alors été tuées au hasard, dans la rue, suite à un changement de leur commandement qui avait déplu aux policiers. De ce drame était née l’Association des Proches de Victimes de la Violence d’État, dont le réseau des mères de la Baixada est l’héritier. Ces massacres, appelés « chacinas » (littéralement « abattages »), sont monnaie courante au Brésil. Selon les chiffres de l’ONU, un jeune noir meurt toutes les 23 minutes au Brésil. Les jeunes meurent abattus par la police, le crime organisé ou encore dans le cas de « disparitions forcées » car, « s’il n’y a pas de corps, il n’y a pas d’enquête », explique Nivia. D’après le rapport de la Coalition Solidarité Brésil, en 2019, plus de 6000 personnes ont été tuées par…

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Auteur: Juliette Rousseau, Sarah Benichou