Au Cambodge, une base militaire comme outil d’influence pour Pékin

L’accord passé en 2019 entre la Chine et le Cambodge sur la base de Ream a dernièrement généré une vague de publications et de commentaires inquiets. Cet accord prévoit l’ouverture d’installations et le stationnement d’unités de l’armée chinoise sur la base navale militaire cambodgienne. Pour bon nombre d’observateurs, Pékin renforce ainsi encore davantage son emprise sur l’Asie du Sud-Est, le long du désormais célèbre « collier de perles » (expression désignant les points d’appui chinois le long de la principale voie d’approvisionnement énergétique depuis le Moyen-Orient).

Qu’est-ce qui explique un tel regain d’intérêt, près de trois ans après les premières révélations du Wall Street Journal et les publications successives de _l’[Asia Maritime Transparency Initiative_](https://amti.csis.org/changes-underway-at-cambodias-ream-naval-base/(CSISAMTI), alors même qu’il n’y a encore eu aucune matérialisation (dans le domaine militaire en tout cas) de l’accord sur le terrain ?

L’accroissement continu des tensions en mer de Chine méridionale, l’absence d’avancées notables sur le code de conduite pour la mer de Chine méridionale sur lequel la Chine et les autres pays riverains travaillent depuis près de trente ans (voir la Déclaration de Manille de 1992), et la diplomatie agressive de Pékin en période de Covid ont sans doute contribué à attirer l’attention sur toute nouvelle initiative chinoise dans la région. Qu’en est-il concrètement ?

Une tempête dans un verre d’eau ?

La modestie des installations de la base de Ream, limitées à un seul quai et un ensemble de bâtiments logistiques et administratifs dispersés sur un périmètre de près de 77 hectares, pourrait laisser à penser qu’il y a peut-être eu un peu d’emballement médiatique après l’évocation d’une « base secrète » chinoise au Cambodge.

Une impression renforcée par la présence de fonds marins de l’ordre de sept mètres de profondeur, qui ne permettent l’accostage que de navires de dimensions modestes (mille tonnes au maximum), tels que des patrouilleurs. Peu d’intérêt stratégique a priori pour la marine chinoise dont aucune des principales unités ne pourrait profiter des installations en l’état. Et pour quel usage, alors même qu’elle dispose déjà de formidables bases aéronavales dans les Spratleys et les Paracels ?

Cependant, plusieurs éléments posent question, notamment la nature secrète et les clauses de l’accord, qui pourraient refléter l’influence qu’exerce Pékin sur l’appareil sécuritaire cambodgien et la mainmise des réseaux chinois sur l’économie du pays, notamment à Phnom Penh et sur la côte, tout particulièrement dans la région de Sihanoukville.

Un accord peut en cacher un autre

Officiellement, l’accord vise à moderniser les installations portuaires de la base avec le soutien technique et financier de la Chine, afin de permettre l’accueil sur site de plus gros navires et de faciliter à la marine cambodgienne la conduite de ses missions de sécurité maritime dans le golfe de Thaïlande.

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Pourtant, l’accord ne se limite pas à des considérations d’investissements dans les infrastructures, et il convient de rappeler que le lancement du chantier a été précédé de la destruction et du déménagement de bâtiments financés par les États-Unis et le Vietnam – un précédent qui a contribué à tendre les relations entre Phnom Penh et Washington.

Des membres de la marine cambodgienne marchent sur une jetée de la base navale de Ream, dans la province de Preah Sihanouk, lors d’une visite des médias organisée par le gouvernement, le 26 juillet 2019.
Tang Chhin Sothy/AFP

De même, les clauses de l’accord n’ont jamais été rendues publiques, mais on sait désormais qu’elles incluent, outre un bail sur la moitié de la base accordé à la Chine pour une durée initiale de trente ans, renouvelable par tacite reconduction, la possibilité de construire des installations, d’accoster des navires et de stocker des armes ainsi que des munitions.

Chose surprenante, il aurait été constaté que le personnel militaire chinois circule armé et

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Auteur: Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)