Au Cameroun, l'enfer des orpailleuses empoisonnées au mercure

Batouri (Cameroun), reportage

À Batouri, petite commune de l’est du Cameroun, les orpailleuses souffrent dans un silence absolu. Leur travail dans les mines d’or dépend de cette omerta. « Il faut ruminer sa douleur dans le silence. Les entreprises chinoises qui exploitent les mines d’or de la localité n’aiment pas les bruits », dit Augustine à voix basse. L’artisane, tamis à la main, et une partie de son corps immergé dans une piscine remplie d’une eau boueuse, n’interrompt pas une minute le va-et-vient incessant de ses mains dans l’eau. « C’est notre quotidien », ajoute-t-elle.

Au milieu des autres orpailleuses, Augustine reste prudente dans ses réponses : n’étant pas salariée de l’entreprise propriétaire de la mine en aval de laquelle elle collecte ses pépites d’or, elle peut en être exclue très facilement. À l’écart du groupe, son discours change et sa parole se libère. Augustine raconte souffrir de lésions vaginales. « J’ai eu cette petite maladie », dit-elle, dans un rare témoignage de femme à accepter de raconter son enfer. Elle se lance : « J’ai eu des blessures tout autour de mon sexe. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Dans mon ménage, je n’étais plus en mesure de satisfaire mon mari. Je me sentais mal pendant les rapports sexuels. Quand il était emporté de joie, moi, je coulais des larmes, parce que je me sentais mal. C’était un cauchemar ! Il ne me comprenait pas, mais j’étais la seule à mesurer ma douleur, une douleur atroce. À force de revenir travailler à la mine, j’étais en contact avec ces eaux, et ces petites blessures se multipliaient et s’aggravaient. J’avais des démangeaisons partout au bas ventre. À l’hôpital, le médecin m’a demandé de quitter la mine, car il a retrouvé les traces de mercure dans ma vulve. »

Des orpailleuses à la mine de Kambele, dans l’est du Cameroun, exploitée par les entreprises chinoises. © Diiki Ebenizer/Reporterre

Batouri et l’or de la misère

La commune de Batouri se trouve à quelque 400 kilomètres de Yaoundé, la capitale camerounaise. C’est l’une des localités de l’est du pays que l’ancien ministre camerounais des Mines, Emmanuel Bonde, qualifiait en 2012, dans un quotidien national, de « scandale géologique » à cause de sa richesse en matières premières : on y trouve du bois, de l’or, du cobalt, du manganèse et même des diamants.

© Gaëlle Sutton/Reporterre

Selon les données de la délégation régionale des mines de l’Est, 72 autorisations…

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Auteur: Diiki Ebenizer, Jean Charles Biyo’o Ella Reporterre