Au Canada, le manque de froid menace la pêche sur glace

Venise-en-Québec (Canada), reportage

Ce matin-là, le mercure affiche -12 °C. Plutôt pas mal pour les affaires des pêcheurs sur glace, non ? Mais Francis Beauvais, l’un des deux frères propriétaires de la pourvoirie Chez Bob, à Venise-en-Québec, fait la moue. « C’est trop tard. La saison est quasi terminée. D’ici une semaine, on enlève les cabanes du lac. » Casquette aux motifs camouflage sur la tête, il contemple un kitesurfer qui s’aventure, sans crainte, sur le lac glacé, à quelques mètres des cabanes multicolores des pêcheurs. « À pied, lui, il n’a pas de problème à se rendre sur la glace. À vélo ou en motoneige non plus. Mais en voiture, ce n’est pas sécurisé partout. La glace est trop fine. »

Les deux frères nous font marcher sur le manteau glacé de leur portion de lac, au sud du Québec. « Normalement, à cette période de l’année, on a 20 pouces [50 cm] d’épaisseur de glace. Là, on en a juste 10 [25 cm]. Cette année, on a eu du vrai froid une journée par semaine. C’est catastrophique, comme si on n’avait pas eu de saisons. Et les pêcheurs ne viennent pas, ils ont tous peur que ça ne soit pas sûr. »

Pour Ronald Proulx, propriétaire d’une pourvoirie en banlieue de Montréal, en quarante ans de métier, aucun hiver n’a été aussi affreux pour les affaires. « Faut pas se leurrer, c’est le réchauffement climatique. Il y a quarante ans, le lac Saint-François — un lac frontalier entre le Québec et l’Ontario — où j’ai commencé à pêcher, était gelé tout l’hiver. Maintenant, c’est de l’eau claire toute la saison. » Habituellement, chaque hiver, les pêcheurs québécois louent des cabanes, posées à même la glace, sur les lacs gelés du pays. Une fois à l’intérieur, une trappe permet d’y percer un trou, d’y poser sa canne à pêche et d’attendre que la perchaude ou la truite mouchetée viennent mordre à l’hameçon. Une pratique qui pourrait disparaître.

Faire ses adieux à la glace

Pêcheurs et propriétaires de pourvoiries peuvent partager leur désarroi avec les amoureux du canal Rideau, à Ottawa, une patinoire de près de 8 kilomètres. Pour la première fois depuis 1970, cette attraction touristique, très appréciée également des habitants qui l’utilisent pour se rendre au travail en patin, restera fermée cette saison. La capitale canadienne, qui vit son troisième hiver le plus chaud depuis 1872, d’après les données d’Envrionnement Canada, a dû s’y résoudre cette semaine.

« On a de plus en plus d’hivers en dents de scie ici. On passe très vite de -25 à +5 °C, la glace n’a pas le temps de rester en place, raconte Philippe Gachon, professeur membre de la chaire de recherche de l’université du…

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Auteur: Alexis Gacon Reporterre