Au cœur de la nuit, des écologistes éteignent les lumières inutiles

Paris, reportage

Un regard à gauche, puis à droite. Personne à l’horizon. Tout de noir vêtu, un homme hirsute se plie en deux pour faire la courte échelle à son camarade, qui, d’un geste furtif, crochète l’interrupteur de l’enseigne U Express. Derrière eux, un pinceau dans le creux de la main, Nima, une néoactiviste, badigeonne de colle une feuille A3 puis la placarde sur la vitrine d’une agence immobilière. Noir sur blanc, dans l’obscurité grandissante, on y distingue les mots suivants : « Cette nuit, votre commerce était fermé, mais il restait éclairé. C’est pas Versailles ici ! »

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’instabilité des flux gaziers en provenance de Russie a déballé au grand jour la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de Moscou. Les approvisionnements manquants, la crainte d’une pénurie cet hiver, couplée à celle d’une nouvelle hausse drastique des prix, se sont rapidement emparés du débat public. Dès la rentrée, la « sobriété énergétique » est devenue le mot d’ordre de l’Élysée. « La meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas », a d’ailleurs déclaré Emmanuel Macron, le 5 septembre.

Et après ? Rien, ou pas grand-chose. Las d’attendre que les paroles ne se traduisent en actes, le mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) a donc lancé, mi-octobre, une nouvelle campagne de désobéissance civile, appelée « C’est pas Versailles ici ! ». Une référence à la célèbre réplique d’une publicité de TotalÉnergies ? Mystère. Une chose est sûre, jusqu’au mois de décembre, les activistes comptent vadrouiller de boulevards en ruelles, à Paris comme en régions, avec un objectif commun : « S’attaquer aux innombrables publicités lumineuses qui tapissent nos villes jamais éteintes. »

Ce soir-là, le rendez-vous a été donné place Alphonse-Deville, dans le 6e arrondissement. Formant une masse sombre à côté de la statue du prix Nobel de littérature, François Mauriac, vingt-cinq inconnus ont répondu à l’appel. La paume orientée vers le ciel menaçant, une jeune femme observe tomber les premières gouttes d’une pluie éparse. Max, Sacha, Berna, Nima, Kiwi, Lili, Popo… Une fois les présentations terminées, Joad détaille les risques juridiques de l’action : « N’oubliez jamais de jeter les affiches publicitaires immédiatement après les avoir arrachées, insiste-t-il, les mains enfoncées dans les poches de sa veste en jean. Sans quoi vous risquez jusqu’à sept ans…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre