Au collège et au lycée, les cours de latin sont-ils en voie de disparition ?

Ces derniers temps, l’attention s’est focalisée sur la place des mathématiques dans le cadre de la réforme du lycée et des baccalauréats généraux. La place de l’enseignement du latin, et plus généralement des humanités classiques, qui avait dans le passé plusieurs fois défrayé la chronique, est passée au second plan. Et pourtant, cela bouge encore et peut donner sens aux évolutions en cours, car la place des humanités classiques dans l’enseignement secondaire a été un grand marqueur culturel et social. Et ce n’est sans doute pas fini.

Au milieu du XIXe siècle, dans l’enseignement secondaire classique (le seul secondaire qui existe alors, réservé de fait à moins de 2 % des garçons, de milieux socioculturels privilégiés), un lycéen, en suivant un cursus complet de la sixième à la terminale, passe 40 % de son temps en latin et grec (deux fois plus en latin qu’en grec), 13 % en français, 11 % en histoire-géographie, 11 % en mathématiques et en sciences, 8 % en langue vivante.



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Des moments cruciaux jalonnent le recul progressif et plus que séculaire du latin dans les cursus du secondaire. En 1880, Jules Ferry reporte le début de l’apprentissage du latin à la classe de sixième, alors qu’auparavant son enseignement commençait deux ans plus tôt, dès les classes élémentaires des lycées et collèges. La réforme de 1902 institue « la diversification de la culture secondaire normale ». Après un premier cycle classique (où le grec est introduit à titre facultatif en quatrième et troisième), trois sections se distinguent en seconde : une section latin-grec (A), une section latin-langues (B), une section latin-sciences (C) ; mais il existe désormais en outre une section moderne dite langue-sciences (D) qui succède, elle, à un premier cycle sans latin.

Mais le coup de grâce pour beaucoup des tenants des humanités classiques, c’est la décision du ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure de reporter en quatrième le début de l’apprentissage du latin à partir de la rentrée scolaire de 1968.

Interroger les civilisations antiques

Même si le cursus et la place du latin ont été plusieurs fois sensiblement modifiés, son enseignement est loin d’avoir disparu, bien au contraire à certains égards sur le plan quantitatif. À la rentrée 1971, la proportion d’élèves de quatrième générale qui étudient le latin est de 20 %. Le taux de latinistes va croître, lentement mais sûrement, pendant une vingtaine d’années, et atteindre 29 % à la rentrée 1990. À partir de la dernière décennie du XXe siècle, on entre dans une ère de déclin lent mais le plus souvent continu. Le taux passe de 29 % en 1990 à 22 % en 2000. Et l’on en est à 13,6 % en 2021.

Entre-temps, François Bayrou, un ancien professeur de lettres classiques qui devient ministre de l’Éducation nationale en avril 1993, a décidé qu’à partir de la rentrée 1996, les élèves pourront choisir une option latin dès leur entrée en cinquième. Les Instructions officielles qui définissent les programmes de cette réforme Bayrou indiquent que « notre civilisation et notre langue héritent des cultures et des langues de l’Antiquité ; l’apprentissage des langues anciennes a donc pour but de retrouver, d’interroger et d’interpréter dans les textes les langues et les civilisations antiques pour mieux comprendre et mieux maîtriser les nôtres dans leurs différences et leurs continuités ». Il y a là une inflexion certaine de la finalité attribuée à l’enseignement du latin, et plus généralement à ce que l’on appelait les humanités classiques.

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Au début du XIXe siècle, c’est Napoléon Ie qui avait réintroduit la dominance de l’enseignement classique pour l’élite masculine après l’expérience des Écoles centrales (de type « encyclopédique ») créées durant la Révolution française. Il s’agissait avant tout de donner de bons modèles éducatifs, d’avoir de « bonnes fréquentations » (attestées et sélectionnées par le temps), bien plus que des connaissances au sens factuel et/ou langagier. On recourt à une Antiquité de morceaux choisis…

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Auteur: Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité