Aux abords d’Accra, de Nairobi ou de Kampala, les vêtements s’accumulent à perte de vue. Ils forment des collines de polyester, d’acrylique et de fibres imbibées de produits toxiques qui, trop souvent, finissent par être brûlés à ciel ouvert ou être enterrés. Voilà le sort réservé à des habits – souvent portés moins de dix fois – avant d’être officiellement revendus en seconde main ou recyclés. Officieusement ? Ils incarnent désormais une nouvelle forme de colonialisme industriel, où les pays du Sud – et particulièrement l’Afrique – sont traités comme de véritables dépotoirs d’une industrie dévastatrice sur le plan environnemental et social.
L’Afrique submergée par les déchets du Nord
Un récent article de Greenpeace rappelle l’ampleur de ce phénomène ainsi que ses conséquences sur le continent africain – qui en 2019, recevait à lui seul 46% du textile de seconde main exporté de l’Union européenne. Chaque année, l’Angola, le Kenya, la République démocratique du Congo, la Tunisie, le Ghana et le Bénin importent près de 900 000 tonnes de vêtements d’occasion. Le Ghana ne reçoit pas moins de 15 millions de vêtements par semaine, dont 89% contiennent des fibres synthétiques. Cette industrie vient contaminer les sols, l’air, l’eau et la nourriture des populations locales, et prend une telle ampleur qu’elle en vient à menacer des zones humides protégées.
Ces déchets textiles sont le produit direct d’un modèle économique à rebours des impératifs écologiques de sobriété et de durabilité : celui de la fast fashion. Produits à la chaîne, vendus à bas prix, surconsommés et jetés dans des cycles de plus en plus courts, ces vêtements alimentent une industrie mortifère maquillée en économie circulaire.
Pollution des territoires, asphyxie des corps
Dans ces pays qui se retrouvent inondés de textiles de seconde main, les conséquences sont dramatiques. La part des…
Auteur: Louis Laratte