Au Nigeria, le grand dessillement

Début octobre, la jeunesse d’une douzaine d’États du sud et du centre de la fédération nigériane, présidée par l’ancien général Muhammadu Buhari, s’emparait de la rue. L’objectif était de dénoncer, après un assassinat de trop, les exactions des SARS (Special Anti-Robbery Squad), la brigade spéciale de répression des vols. Formée en 1984, jouissant d’une semi-autonomie, les SARS étaient depuis 2017 l’objet d’une campagne de dénonciation sur les réseaux sociaux, en parallèle de l’appel à « la révolution, maintenant » lancé par le journaliste Omoyele Sowore, directeur du journal en ligne Sahara Reporters.

Lire aussi Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « Lutte contre le terrorisme, une aubaine pour les dirigeants nigérians », Le Monde diplomatique, décembre 2019.

La sanglante répression de Lekki été perpétrée à l’entrée de l’un des quartiers les plus riches de la mégapole la plus peuplée d’Afrique subsaharienne : cette fois les victimes ne pouvaient pas être qualifiées de « terroristes ». Le mouvement de contestation du mois d’octobre, relayé en direct par les 24 millions de Nigérians actifs sur les réseaux sociaux, a donc contraint le pouvoir central à démanteler les SARS. Amnesty International Nigeria, qui n’a eu de cesse depuis cinq ans de dénoncer ses exactions, estime que ces unités seraient responsables d’au moins 82 cas de torture, de mauvais traitements et d’exécutions extrajudiciaires survenus entre janvier 2017 et mai 2020 .

Les jeunes Nigérians de la classe moyenne et urbaine, affichant dreads, tatouages et smartphones, étaient particulièrement harcelés par les membres des SARS. Ceux de la rue, confrontés quotidiennement aux exactions policières, ont embrayé derrière elle. La contestation s’est alors élargie à un ensemble de revendications sociales alors que le Nigeria, après 60 ans d’indépendance — dont 22 sous junte…

Auteur: Jean-Christophe Servant
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