Il y a dans incontestablement, dans l’œuvre aznavourienne, un avant, un après et un « effet » Ulla. La première rencontre a lieu dès 1964, la relation s’officialise l’année suivante et commence alors à se faire entendre dans l’œuvre – des torrides « Isabelle » et « Reste » au somptueux « Plus rien ne peut nous séparer », en passant par la grave et solennelle déclaration d’« Aime-moi ». Mais il faudra encore deux ans, quelques tensions, des fiançailles et un double mariage à Las Vegas et à Jean Goujon, pour que s’opère la métamorphose proprement artistique, et que jaillisse une toute nouvelle musique, plus amoureuse, plus vigoureuse, plus juvénile, plus organique, plus impétueuse et plus joyeuse. Plus rock aussi, et plus soul. Une longue et explosive nuit de noces musicale, en somme. Mais avant cela, Aznavour nous offre encore deux chefs-d’œuvres mélancoliques.
1. « Et moi dans mon coin » (Album De t’avoir aimée, 1966
« Il faut savoir », travaux pratiques. Il faut savoir, plus précisément, quitter la table lorsque l’amour est desservi. Et c’est précisément autour d’une table, dans un restaurant sans doute, que se déroule cette chanson de loser, cette chanson malaisante, autant que sont malaisantes « Qui ? », « À ma fille » ou « Tu t’laisses aller », mais malaisante cette fois-ci par sa tristesse plus que sa méchanceté :
« Lui, il t’observe, du coin de l’œil, toi, tu t’énerves, dans ton fauteuil, lui, te caresse, du fond des yeux, toi, tu te laisses prendre à son jeu, et moi, dans mon coin, si je ne dis rien, je remarque toutes choses, et moi, dans mon coin, je ronge mon frein, en voyant venir la fin ».
Tout est dit par conséquent au bout d’une minute, quand est prononcé ce mot à double sens : la fin (de la chanson) sera la fin (d’une relation). La fin de l’histoire…
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Auteur: Pierre Tevanian