Au rythme de l'océan, la vie des derniers gardiens de phare

Ce reportage s’inscrit dans notre série La balade du naturaliste : une randonnée à la découverte d’une espèce ou d’un milieu exceptionnel, en compagnie d’une ou d’un passionné.

Phare de Cordouan, Le Verdon-sur-Mer (Gironde), reportage

En cette mi-octobre, l’après-midi tire déjà à sa fin. L’air est encore tiède, de l’eau de mer clapote jusqu’au bas de la lourde porte de bois au pied du phare de Cordouan. Les visiteurs du jour sont partis peu avant l’heure du déjeuner. Seuls deux bécasseaux sanderlings et trois puffins voltigent dans le ciel immobile. Benoît Jenouvrier, un des gardiens de l’édifice, et Jean-Baptiste Bonnin, du Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) de Marennes-Oléron (Charente-Maritime), s’absorbent dans la contemplation d’un mulet qui folâtre sur le perron immergé. « Tu penses qu’il est en train de brouter ? » interroge le premier. « Je ne sais pas, il est peut-être attiré par les petites bulles qui lui permettent de s’oxygéner », répond le second. Emmanuel Barrère, l’autre gardien, adossé à la pierre, s’échine à démêler une ligne de pêche. Objectif, tenter d’attraper un bar pour le dîner. « Tu peux aussi essayer d’attraper le mulet mais il va falloir énormément de patience », le taquine son collègue.

Le phare du Cordouan est le dernier phare habité de France.

Cordouan, majestueuse tour de 67 mètres en pierre blanche de Saintonge postée au large de l’estuaire de la Gironde, est le plus vieux phare d’Europe. Imaginé par l’architecte des rois Louis de Foix, achevé en 1611, ce « Versailles de la mer » a été classé monument historique en 1862 et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2021. Il est aussi le dernier phare habité de France. Quatre à six gardiens employés par le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (Smiddest), gestionnaire du site, se relaient par binôme tous les quinze jours, été comme hiver. Depuis les années 1990, une équipe des Phares et Balises du Verdon-sur-Mer (Gironde) les ont remplacés pour le fonctionnement du signal — ce puissant faisceau lumineux d’une portée de quasiment 40 kilomètres, qui sauva jusqu’à trente marins de la tempête un soir d’octobre 1859. Mais ils restent chargés de l’entretien du bâtiment, de sa surveillance et de l’accueil des quelque 24 000 visiteurs annuels.

Fin octobre, les derniers visiteurs partis, le tête-à-tête avec l’océan Atlantique a commencé. C’est…

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Auteur: Émilie Massemin (Reporterre), Mathieu Génon Reporterre