Au Salvador, la mégaprison des gangs pollue les rivières

Tecoluca (Salvador), reportage

« Avant l’eau était transparente et le sable était tout blanc et propre », se souvient Esteban López, un agriculteur de 56 ans de Tecoluca, une commune rurale de 35 000 habitants à une heure de la capitale du Salvador, en Amérique centrale. Mais depuis le début de la construction d’une prison géante à quelques kilomètres de là, « la rivière est sale », constate-t-il, les deux pieds dans l’eau. Il palpe entre ses doigts une sorte de boue extraite du fond de la rivière Los Obrajes, grâce à laquelle il irrigue ses cultures de maïs et de haricots en été. Des emballages sont coincés entre les pierres et des odeurs putrides émanent souvent de l’eau. « Parfois, même les vaches ne veulent plus boire l’eau tellement elle pue », s’inquiète-t-il.

Depuis le mois de juin, le gouvernement de Nayib Bukele construit un centre pénitencier sur plus de 166 hectares de terres agricoles à Tecoluca pour accueillir 40 000 prisonniers détenus dans le cadre de « la guerre contre les gangs ». Le 26 mars, à la suite du massacre de soixante-deux personnes en vingt-quatre heures, le président salvadorien a déclaré l’état d’urgence afin de « nettoyer » le pays des quelque 70 000 membres des gangs Mara Salvatrucha et Barrio 18, qui terrorisent le pays depuis les années 1990. « Maintenant, vous allez vraiment voir ce que cela signifie de déchaîner la force de l’État contre ces criminels », a-t-il prévenu. Depuis, près de 52 000 personnes ont été arrêtées. Les prisons étant surpeuplées, le gouvernement s’est empressé de construire un nouveau « centre de confinement du terrorisme » à Tecoluca.

Sauf que la communauté du village, qui n’a pas été consultée par le gouvernement avant le lancement du projet pénitencier, s’inquiète de ses répercussions environnementales sur ses cultures de maïs et de haricots, bases de l’alimentation des Salvadoriens. Selon les habitants, le chantier pollue les trois rivières les plus importantes de la zone, Los Obrajes, Angulo et Ismendia. « Ils rejettent les déchets dans la rivière », assure Esteban López, qui dit avoir identifié des excréments, des matériaux de construction, de l’huile et de l’essence dans l’eau. « Les cultures d’hiver — de mai à octobre — seront sauvées car elles sont irriguées avec la pluie, mais celles de l’été — de novembre à avril — qui devront être arrosées avec l’eau de la rivière seront contaminées », s’inquiète-t-il. Lui qui…

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Auteur: Anne-Dominique Correa Reporterre