Au Sénégal, sortir du bourbier néocolonial

Dakar, Senegal. 8 mars 2021.

ZUMA Press, Inc. / Alamy

Lire aussi Ndongo Samba Sylla, « Les “cinq coléreuses” secouent le Sénégal », Le Monde diplomatique, avril 2021.

« Non au putsch électoral ! Non, non, non ! ». Tenu au col par un policier, encerclé par six autres, imperturbable, caméras braquées sur lui, il poursuit son plaidoyer. La scène se déroule le 6 juillet 2017. Dans le centre-ville de Dakar, quelques dizaines de militants se sont rassemblés aux abords de la place Soweto. À quelques pas de là, entre les quatre murs de l’Assemblée nationale, dont 80 % des sièges sont acquis à la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar du président Macky Sall, la modification de l’article L78 du code électoral est en train d’être votée. À moins d’un mois des élections législatives, cette mesure permettrait aux électeurs sénégalais de n’entrer dans l’isoloir qu’avec cinq bulletins de vote sur les quasi-cinquante prévus. « Une forfaiture ! », reprend, malgré son arrestation, l’homme au t-shirt noir — avec inscrit « je vote non » en lettres majuscules —, directeur de campagne de la coalition Ndawi Askan Wi dirigée par l’opposant Ousmane Sonko. « Il est inacceptable qu’à vingt-cinq minutes d’un match de football, une des parties dise qu’il va changer les règles ». À peine conclut-il sa phrase qu’il disparaît derrière les grilles d’un fourgon de police dans lequel on l’introduit de force.

Guy Marius Sagna

DR

Depuis, en moins de quatre ans, Guy Marius Sagna aura fait des dizaines de gardes-à-vue et passé, à trois reprises, plusieurs mois en détention préventive. Toutes débouchèrent sur des remises en liberté provisoire après d’intenses pressions nationales et internationales pour sa libération. Malgré la gravité des chefs d’inculpation — « fausse alerte au terrorisme », « organisation de mouvement insurrectionnel » ou encore « provocation à la commission de crimes et délits » —, le doyen des juges Samba Sall les lui accorda sans procès ni jugement. De quoi s’interroger, donc, sur les réels motifs derrière ces arrestations à répétition. Beaucoup y voient une volonté du président Macky Sall d’intimider les voix critiques de son régime, lui qui affichait en 2015 son intention de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Plusieurs de ses affidés, comme Baba Tandian et Ibrahima Sène, accusent ainsi le militant du Frapp (Front…

La suite est à lire sur: blog.mondediplo.net
Auteur: Florian Bobin