Augmentation des frais d’inscription à Sciences Po, vers la marchandisation des études supérieures ?

L’augmentation des frais d’inscription de l’établissement risque d’accélérer la dynamique inégalitaire à l’œuvre dans le secteur, estiment le sociologue Hugo Harari-Kermadec et l’économiste David Flacher dans une tribune initialement publiée dans Libération, que nous reproduisons ici.

Sciences Po augmentera ses frais d’inscription de 9,45% l’an prochain. En poursuivant sa course en avant l’école reproduit les travers et les échecs que l’on peut observer à l’étranger. Alors qu’elle devrait être à la pointe de la réflexion politique, sa direction manque de vision et fait preuve d’un redoutable individualisme.

L’institution manque de vision en feignant de méconnaître l’histoire de la marchandisation de l’enseignement supérieur. Elle bégaye pourtant, du Chili à l’Angleterre en passant par l’Australie ou Singapour. Dans tous les pays qui se sont engagés dans l’augmentation des frais d’inscription :
(1) lorsque la hausse est généralisée, elle ne profite que partiellement aux universités, l’Etat se désengageant à mesure que les étudiant-es sont mis à contribution. Le basculement d’un financement par l’impôt, solidaire et progressif, à un financement par le marché accélère la dynamique inégalitaire : les établissements initialement les plus prestigieux sont ceux qui peuvent augmenter le plus vite leurs frais, alors que ceux qui assurent la massification de l’accès au supérieur n’héritent que de la baisse de dotation publique.
(2) Dans une logique d’accroissement de leurs financements par des frais d’inscription, les établissements qui le peuvent cherchent nécessairement à cibler des populations particulièrement solvables, au détriment d’une diversité sociale. Pour attirer ces populations, les établissements n’hésitent pas à faire dépenses dont on peut douter de l’utilité pédagogique : des campus suréquipés, des dépenses de communication, des évènements de prestiges… mais aussi des sur-salaires pour quelques stars, au milieu d’une marée de vacataires et de précaires.
(3) Les établissements qui augmentent le plus vite les frais d’inscriptions annoncent toujours une forme de redistribution en direction des plus talentueux parmi les moins favorisés socialement. Mais ces nouvelles portes des grandes écoles sont un leurre. Si quelques étudiant-es en bénéficient, leur nombre est nécessairement contenu pour ne pas mettre en péril les levées de fonds. Au final, même modulés en fonction du revenu, la grande majorité des…

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Auteur: gillesmartinet