Aux irruptions silencieuses

Une fois encore, nous sommes rendus au silence, chacun muet sous sa cloche martelée par le flux tapageur d’informations cryptiques censées nous renseigner sur ce mal qui tue et toujours glisse, entre les doigts du discours.

Les précautions nous les connaissons, et on meurt, les connaissant. Parfois l’on cède à chercher des coupables, à se sentir coupable aussi, dans cette paralysie où les pensées tournent aussi mauvaises que chacun tourne entre ses murs. Alors on parle avec les proches, au téléphone ou par messages avec ceux qu’on aime, lorsqu’on a l’opportunité d’échanger avec eux, se rendant vite compte, seulement parfois effleurée entre les mots, que c’est la présence silencieuse de l’autre qui manque. Son être-là-tout-court, que jamais ne rattrape cette compagnie déguisée, et pourtant déjà tellement précieuse de l’à distance.

Entre notre silence, et le vacarme des chiffres, des pistes, et des calculs, que réseaux et ondes relaient au galop, se situent aussi nos répliques intérieures, qui ne savent plus bien si elles sont réponses ou duplicatas de ce qu’elles reçoivent. Toujours à chaud, puisque toujours prises de court par des renseignements et des obligations renouvelés, nos pensées éclatent en tous sens. « Nous pensons trop vite, (…) même lorsqu’il s’agit de penser aux choses les plus sérieuses » écrivait Nietzsche à la fin du XIXe siècle devant le terrible et fascinant spectacle de la modernité, concluant : « C’est comme si nous portions dans notre tête une machine d’un mouvement incessant, qui continue à travailler même dans les conditions les plus défavorables ». Aspirés dans le tourbillon du surgissement de l’Histoire qui frappe au dépourvu, nous tournons immobiles sur nous-mêmes, comme des mobiles perpétuels, sans repos, sans voix et sans réponse.

Dans cette disposition où l’inquiétude fiévreuse balance avec la nécessité intempestive de se changer les…

Auteur: lundimatin
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