Avec la grève, le temps de l'entraide et de la réflexion

« Mettre le pays à l’arrêt, c’est prendre le risque d’une catastrophe écologique », a déclaré Olivier Véran avant la journée de mobilisation massive du 7 mars. Après tout, la question mérite d’être soulevée : faire grève est-il, au contraire, un acte écologique ?

Chiffrer l’empreinte carbone d’une grève est un exercice épineux, car il s’agit de mettre en balance une réduction exceptionnelle des émissions liées à la baisse de production d’un côté, et les pollutions exceptionnelles entraînées par le mouvement de l’autre. D’après le magazine Capital, si une grève « coûte » 1 milliard d’euros par jour, c’est parce qu’elle entraîne une baisse d’activité de 15 à 20 % : les émissions de gaz à effet de serre baissent donc en proportion. Par exemple, trois des quatre terminaux méthaniers qui approvisionnent la France en gaz naturel liquéfié (GNL) ont été mis à l’arrêt par la CGT Elengy depuis ce lundi — rappelons que, d’après une analyse comparative du cabinet Carbone 4, le GNL émet 2,5 fois plus d’équivalent CO2 que le gaz transporté par gazoduc. Mais dans le même temps, le site gouvernemental Sytadin enregistrait 500 kilomètres de bouchons cumulés à Paris dans la journée de mardi, une valeur bien au-dessus de la moyenne, et qui s’explique par un report des transports en commun vers la voiture. Garder les yeux rivés sur les courbes ne semble donc pas le meilleur indicateur.

« La grève est un moment suspendu qui nous libère »

Voyons plus large. Comme le soulignait à Reporterre l’économiste Geneviève Azam, « la grève est profondément écologique d’abord parce qu’elle limite la production. Mais pas seulement. La grève est aussi un moment suspendu qui nous libère, une forme de respiration, de pause alors que tout s’accélère autour de nous ». Pour reprendre la formule du dessinateur Gébé dans la BD L’An 01 (1973), si la France est à l’arrêt, alors « on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste ». En témoigne le mouvement de désertion massif vers les Cévennes ou l’Ariège après mai 68, décrit comme un exode utopique ; ou, à la même époque, les propos d’une jeune gréviste de l’usine Wonder qui, après avoir traversé la grève, s’emporte : « Non, je ne retournerai pas là-dedans, je ne remettrai plus les pieds dans cette tombe. »

« Développer une conscience et une solidarité collectives »

Spécialiste des mouvements sociaux et auteur d’un Antimanuel de socio (Bréal, 2022), le sociologue Alessio Motta observe : « La grève, quand elle s’installe dans une certaine durée, est un cadre dans lequel se créent à la fois des espaces et des moments libres qu’on va consacrer à…

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Auteur: Nicolas Celnik Reporterre