Avec le changement climatique, la migration silencieuse des espèces

Les images évoquées par le réchauffement global des températures et ses conséquences sont souvent celles de la fonte des calottes glaciaires et de la banquise dans les zones polaires ou bien celles du retrait des glaciers en haute montagne. Mais ceci n’est que la partie visible de l’iceberg.

La partie cachée de l’iceberg renvoie à la grande migration silencieuse des espèces qui sont « en marche » vers les pôles en latitude et vers les sommets en altitude. Mais à quelle vitesse ces espèces migrent-elles ? Quelles sont les espèces qui migrent le plus rapidement ? Migrent-elles assez vite pour retrouver un environnement qui leur est clément ? Quels sont les défis que pose cette redistribution des espèces pour nos sociétés ?

En analysant la vitesse de déplacement des aires de répartition de plus de 12000 espèces, nous avons montré que ce sont les espèces marines qui font la course en tête, se déplaçant jusqu’à six fois plus vite vers les pôles que leurs congénères terrestres, dont les déplacements se font principalement vers les sommets des montagnes.

Ces différences interrogent sur les conséquences et les défis associés à un complet remaniement de la biodiversité marine et terrestre dont nous dépendons toutes et tous pour notre alimentation et notre santé.

Dans les pas d’Humboldt

Le retrait de la limite des glaces vers les pôles, en latitude, et vers les sommets des montagnes, en altitude, est la manifestation visible et tangible de la migration d’une ligne invisible qui relie les lieux où la température moyenne annuelle de l’air est proche de zéro : l’isotherme 0 °C.

Le concept d’isotherme a été introduit pour la première fois par le père de la climatologie et de la biogéographie moderne : l’illustre naturaliste, explorateur et géographe allemand Alexander von Humboldt (1769-1859). C’est en 1817, à Paris, qu’Humboldt dessina, devant une assemblée de confrères, le premier croquis illustrant ce concept.

Au sommet des montagnes, l’isotherme qui sépare le royaume des glaces de celui des vivants est bien visible. Mais peut-être avez-vous aussi remarqué que sous cette limite des neiges éternelles se succèdent d’autres limites altitudinales, comme celle des arbres ! Ainsi, l’étage des prairies alpines, où aucun arbre ne pousse, surplombe l’étage des forêts de conifères qui lui-même surplombe celui des forêts de feuillus. Ces ceintures de végétation, dont les limites suivent souvent les contours des isothermes, se succèdent également en latitude depuis l’équateur vers les pôles.

Woodbridge isothermal chart.
William Channing Woodbridge (Cartographer), Alexander von Humboldt (Author). Restoration by Jujutacular and Durova., Via Wikimedia

C’est Humboldt qui, le premier, va faire ce lien entre étagement de la végétation et distribution des…

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Auteur: Jonathan Lenoir, Senior Researcher in Ecology & Biostatistics (CNRS), Université de Picardie Jules Verne (UPJV)