Avez-vous lu Mohammed Kenzi ? Un extrait de La menthe sauvage

Quarante ans, c’est le temps qui se sera écoulé entre la parution de La Menthe sauvage de Mohammed Kenzi et la présente réédition, aux éditions Grevis, en mai dernier. Ressorti de l’oubli, le petit ouvrage paraissait, ce n’est pas un hasard, un an après la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme de novembre 1983. Et un an après l’ouvrage d’un autre voisin de bidonville à Nanterre, Medhi Charef, Le Thé au Harem D’archi Ahmed. Génération née en 1953, en Algérie. Mais, dans La Menthe sauvage, l’auteur ne croque pas la banlieue glauque du début des années 1980, le franc-parler des jeunes qui émerge au pied des HLM. Le récit remonte à ses racines profondes, aux origines de cette « génération maudite » de banlieue qui anime de plus en plus les médias et le débat politique alors que s’implante durablement le Front National sur la scène française et dicte depuis l’orientation du débat sur l’immigration.

Plongée rare sur la rive sombre des dites « Trente Glorieuses », La Menthe sauvage traverse l’enfance sous le feu et les balles de la guerre d’Algérie, passe la Méditerranée pour rejoindre la terre de bidonvilles qu’est alors Nanterre, découvre les rues casquées du quartier latin de mai-juin 68 et les étranges étudiants gauchistes de la faculté qui s’est implantée là, au milieu des usines à quelques pas de son bidonville du Pont de Rouen et du froid béton de la « zone ». La Menthe sauvage égraine un paysage d’une noirceur sans fin qui s’assombrit au fil des pages et des découvertes, des rencontres, des luttes mais aussi des désillusions du jeune Kenzi. Jusqu’à un si précoce exil pour fuir l’arrêté d’expulsion qui le vise au début des années 1970.

Récit glacé et glaçant du racisme et des violences systémiques qui se déversent déjà à tous les étages de la société française, de la colonie à la banlieue industrielle, La Menthe sauvage est aussi ce récit cette épopée subjective en terre urbaine. L’auteur fonce à toutes enjambées entre des mondes qu’il découvre, univers si proches et si lointains qui se côtoient alors à Nanterre, « son » monde colonial et immigré, cette hégémonie ouvrière et communiste, ce détonnant milieu étudiant et gauchiste. Fresque prolétarienne d’un genre hybride au milieu du désert de Nanterre, La Menthe sauvage offre un de ces rares points de vue, lucide et glacé, sur ce « passé colonial devenu immigré » qui ne passe pas. Des pérégrinations pour en sortir, en finir avec…

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Auteur: redaction