Barbara Stiegler : « Les autorités détournent les questions sanitaires pour instaurer une société de contrôle »

Barbara Stiegler est professeure de philosophie politique à l’université de Bordeaux. En janvier 2021, elle a écrit le tract De la démocratie en pandémie aux éditions Gallimard, vendu à plus de 80 000 exemplaires.

Barbara Stiegler. © Gallimard


Reporterre — Comment vivez-vous la période actuelle ?

Barbara Stiegler — Difficilement. J’ai le sentiment que l’on s’enferre dans une impasse politique et sanitaire. Les décisions prises par le gouvernement depuis le 16 mars 2020 construisent un pays fracturé où l’on oppose deux camps, celui du bien et celui du mal. On construit un affrontement entre vaccinés et antivax, créant un état de sidération dans la société qui empêche de penser et d’appréhender les questions avec nuance et précision. Toute position critique vous condamne à une dissidence invivable. À un an de l’élection présidentielle, c’est extrêmement inquiétant. En renvoyant toute forme de contestation à l’extrême droite, tous les ingrédients d’une crise politique majeure sont là.

Et je ne vois pas de porte de sortie. Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement n’a cessé de brandir des solutions miracles : le confinement d’abord, le couvre-feu, les nouveaux vaccins et maintenant le passe sanitaire… Mais cela ne fonctionne pas comme ça. En santé publique, il faut une stratégie diversifiée, une panoplie d’outils ciblés, de l’accompagnement, de la précision. Là, au contraire, les dispositifs mis en place sont extrêmement brutaux et simplistes.

En quel sens ?

Le passe sanitaire en est l’illustration. Le caractère « sanitaire » du dispositif n’est nullement démontré. Pour que la vaccination soit réellement efficace, il faudrait cibler en priorité les personnes à risque, les personnes âgées, celles et ceux qui vivent avec des facteurs de comorbidité aggravants et qui sont éloignés du système de santé. Il faudrait recueillir leur consentement éclairé, les suivre, les accompagner. Ce qui implique un ensemble d’actes de soin et non des mesures de police. Et qui suppose donc le déploiement massif de personnels de santé, eux-mêmes formés et informés des risques et des bénéfices du vaccin.

Mais le gouvernement préfère [utiliser la menace. Au lieu de cibler les populations à risque, il exerce sur l’ensemble des Français un véritable chantage. Si la menace au code QR fonctionne pour les populations les mieux insérées socialement, elle est globalement inopérante pour les publics précaires et fragiles. Le gouvernement laisse…

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Auteur: Gaspard d’Allens (Reporterre) Reporterre