Il peut paraître dérisoire, dans un monde en proie aux flammes (celles des guerres, celles du « réchauffement » climatique) de prendre pour objet d’analyse cette opération lucrative réussie qu’est le phénomène « Barbenheimer ». Pourtant cet objet, comme peut-être tout autre aujourd’hui pour un esprit lucide, nous reconduit inévitablement à ce monde. Et il a ce mérite particulier de nous dire quelque chose de ce qui est attendu de nous, pour ce qui concerne notre manière d’articuler le désir et le réel.
On a jadis pensé que le cinéma, en particulier celui qui attirait les foules, « reflétait » les désirs de ces dernières, ou était censé les « exprimer ». Puis on a, à juste titre sans doute, inversé l’angle de l’analyse : on demandait alors quels nouveaux désirs étaient en train de se constituer à travers le medium cinéma, comment opérait la fabrication de ces désirs, et quelle en était la fonction. Peut-être, en dépit de toutes les choses dites à leur sujet, n’est-on pas allé jusqu’au bout de ce que la conjonction des films Barbie et Oppenheimer révèle sur ce point.
Les conseillers en marketing qui ont conçu l’opération Barbenheimer se sont sans doute explicitement entendus sur ce point : les spectateurs devaient se dire que le film de Nolan est à l’opposé de Barbie, et que c’est ainsi qu’il peut le compléter ; que si, dans celui-ci, il s’agit essentiellement de goûter le plaisir d’être dans un monde imaginaire, celui-là nous ramène au monde réel, à ses enjeux les plus fondamentaux, en tant que tels nécessairement occultés. En réalité, si l’on regarde ensemble une scène qui se trouve presque au début de Barbie et les dernières images de Oppenheimer, on a d’un côté la « choré » interrompue par des pensées morbides, de l’autre, le destin de mort globale présenté comme un grand spectacle. De l’un à l’autre, il y a comme un ruban de…
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Auteur: dev