Bataille rangée dans le groupe Infopro Digital

Acrimed : Plusieurs grèves et débrayages ont eu lieu au sein d’Infopro Digital ces dernières semaines. Pouvez-vous nous en dire plus sur le contexte dans lequel s’inscrivent ces mobilisations ?

Pablo Aiquel : La première information à retenir, c’est qu’Infopro Digital est sous LBO (leveraged buy out ou rachat avec effet levier, il s’agit d’un montage financier qui permet « le rachat d’une entreprise en ayant recours à beaucoup d’endettement »). C’est-à-dire que ceux qui achètent, les propriétaires de la boîte ne sont que des actionnaires minoritaires, et l’actionnaire majoritaire leur prête de l’argent. Ceux qui prêtent de l’argent à ces actionnaires sont des fonds d’investissement ou des fonds de pension. Donc ils prêtent des centaines de millions d’euros dans l’objectif de revenir sur leur investissement au bout de quelques années. Ils se paient sur le dos de la bête. Les entreprises qui sont dans le groupe Infopro produisent des bénéfices, mais ces derniers servent à payer l’argent que le fonds d’investissement a prêté aux actionnaires pour acheter l’entreprise. C’est important de le savoir car c’est une des raisons pour lesquelles des entreprises qui sont très rentables ne partagent pas beaucoup leur bénéfice avec les salariés, voire pas du tout. La rentabilité, ils l’utilisent pour financer le rachat de l’entreprise.

Est-ce une spécificité d’Infopro Digital d’être détenu par un fonds d’investissement ?

C’est courant dans d’autres secteurs, mais ce n’était pas si courant dans la presse. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup d’autres entreprises de presse qui soient sous LBO, c’est-à-dire qui appartiennent majoritairement à des fonds d’investissement ou à des fonds de pension. Des titres comme Le Figaro ou Libération appartiennent à des milliardaires. Ça fait des années que ces boîtes-là, notamment donc le groupe Moniteur, passent de LBO en LBO. Infopro a racheté en 2014 le groupe Moniteur, via le fonds d’investissement Apax partners. Et deux ans après, ils se refinancent. Apax revend ses parts à TowerBrook, un fonds d’investissement anglo-américain. Nous avons appris par la presse que TowerBrook allait vendre Infopro. Le prix de vente, c’est un facteur multiplicateur de l’EBITDA (bénéfices avant impôts, intérêts, dépréciation, amortissement). Ils veulent le vendre environ 2 milliards d’euros, ils l’ont acheté 700 millions d’euros. Nous pensons que cette vente pourrait avoir lieu en juin ou en tout cas avant…

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Auteur: Sophie Eustache Acrimed