Benoît XVI, une vie de quête intellectuelle et spirituelle

Disparu le 31 décembre 2022, Benoît XVI écrivait ces quelques lignes en 2006 dans son « testament spirituel » :

« Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier des sciences bibliques, et avec la succession des différentes générations, j’ai vu s’effondrer des thèses qui semblaient inébranlables, se révélant de simples hypothèses […] J’ai vu et je vois comment, à partir de l’enchevêtrement des hypothèses, le caractère raisonnable de la foi a émergé et émerge encore. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, avec toutes ses insuffisances, est vraiment son corps ».

Des propos qui résument la quête intellectuelle et spirituelle de toute une vie de chercheur.

La conviction du croyant est inébranlable et se résume ici à l’hommage au Christ par la reprise de ses propres paroles adressées à l’apôtre Thomas au soir de la Cène, selon l’évangile de Jean (14,6).

En bon disciple de Saint-Augustin, sur la doctrine duquel il a écrit sa première thèse, c’est un hommage au « Christ total », c’est-à-dire à la personne du Christ à qui l’Église est unie comme son corps, selon la doctrine paulinienne (1 Co 12). Mais cette conviction n’enferme pas le théologien dans un monde clos de certitudes. Pour lui, l’accueil dans la foi de la Révélation de Dieu conduit avant tout à « chercher Dieu et se laisser trouver par Lui », selon l’expression phare de son discours au Collège des Bernardins.

Le doute en partage

Dans cette démarche, le chemin du croyant, non exempt de doutes, peut croiser celui de l’agnostique voire de l’athée : « ce qui arrive au croyant, aux prises avec les flots du doute, arrive également à l’incroyant, qui éprouve le doute de son incroyance » écrivait déjà le professeur Ratzinger dans son ouvrage « La Foi chrétienne hier et aujourd’hui ».

Plus encore : le doute, autre catégorie augustinienne, « qui empêche l’un et l’autre de se claquemurer dans leur tour d’ivoire, pourrait devenir un lieu de communion ».

Mais surtout, la foi chrétienne est accueil du Logos fait chair, selon l’expression trouvée, elle aussi, dans l’évangile de Jean (1,14). Or, le Logos est à la fois Dieu personnel et Raison créatrice. Dès lors, « Religion du Logos, le christianisme ne relègue pas la foi au domaine de l’irrationnel, mais attribue l’origine et le sens de la réalité à la Raison créatrice, qui, dans le Dieu crucifié, s’est manifestée comme amour ».

Une photo prise entre 1962 et 1965 à Rome montre Josef Ratzinger (à gauche), alors professeur de théologie, avec le cardinal Joseph Frings de Cologne qui l’a choisi comme conseiller au Vatican.
AFP

Dialogue entre foi et raison

La contemplation du Logos détermine le premier axe majeur de la recherche théologique de Ratzinger : le dialogue fécond entre foi et raison. Comme tout dialogue, il n’est pas à sens unique. Benoît XVI l’a par exemple exprimé à propos du rapport de la science et de la foi : « Science et foi possèdent une réciprocité féconde, presque une exigence complémentaire de l’intelligence du réel ». Cette fécondité réciproque exige du croyant de se souvenir que « ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu », comme le pontife l’a réaffirmé dans son discours tant décrié à l’université de Ratisbonne.

Elle exige en retour du philosophe ou du scientifique de ne pas exclure la question de Dieu, question ultime qui porte l’exigence tant de la recherche théologique que des sciences profanes et garde la raison de se fermer sur elle-même.

Ratzinger puisait à la pensée d’Henri de Lubac, dont l’ouvrage Catholicisme a profondément marqué son parcours, l’idée selon laquelle un humanisme athée se retournait contre l’homme. Le dialogue nécessaire entre foi et raison, exprimé souvent chez Ratzinger sous la forme de la relation entre Amour et Vérité, l’a conduit à explorer par exemple le rapport de la foi à la culture.

Ainsi, dans un discours aux commissions doctrinales des diocèses d’Asie, il cherche à montrer « le droit et la capacité de la foi chrétienne à se communiquer à d’autres cultures, à les assimiler et à se communiquer à elle ». Nourri de diverses cultures, le…

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Auteur: Brice de Malherbe, Président de la Faculté Notre-Dame de Paris, Collège des Bernardins, Collège des Bernardins