Bien commun : la trahison des élites

L’opinion publique s’est émue de la « reconversion professionnelle » de M Djebbari, ancien ministre délégué, chargé des transports. Le ministre saisit d’abord la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) d’un projet de création d’une société de conseil. La HATVP l’autorise avec des réserves. Il demande ensuite à rejoindre le conseil d’administration de la société Hopium, constructeur de berlines à hydrogène. La HATVP l’autorise également, considérant que l’ancien ministre n’avait pas eu de rapport d’intérêts avec cette société. Enfin, le ministre souhaite devenir vice-président du pôle spatial de la société CMA-CGM, armateur spécialisé dans le transport maritime. La HATVP refuse, car le ministre avait rencontré à au moins huit reprises les dirigeants du groupe : la fréquence de ces rencontres et le positionnement du groupe dans le secteur des transports justifient un « doute légitime » au regard de l’obligation de prévenir les conflits d’intérêts.

En 1992, Yves Mény parlait dans son ouvrage « La corruption de la République » des conflits d’intérêts et l’art de les contourner. Il décrivait une tentation structurelle et permanente, créant un climat favorable aux dérives. À l’origine, le mot « pantoufle » désignait, dans l’argot de l’École polytechnique, le renoncement à toute carrière dans l’État à la fin des études. Ceux qui « entraient dans la pantoufle », les « pantouflards », avaient le titre d’« ancien élève de l’Ecole Polytechnique » mais renonçaient à celui de « diplômé de l’Ecole Polytechnique ». Plus tard, le terme a aussi désigné le montant à rembourser en cas de non-respect de l’engagement de servir l’Etat pendant dix ans.

Le risque de dérive est identifié de très longue date. Le droit romain interdisait aux gouverneurs d’acquérir des biens dans la province qu’ils administraient. Une ordonnance de Saint-Louis de 1254 interdisait aux baillis d’emprunter ou d’acquérir dans l’étendue de leur province. En 1810, le code pénal réprimait l’ingérence, c’est-à-dire la prise illégale d’intérêts par un fonctionnaire en activité. L’incrimination a été complétée en 1919 afin de réprimer la prise illégale d’intérêts par un fonctionnaire après la cessation de son service. Il s’agissait déjà d’empêcher certains groupes industriels de débaucher des fonctionnaires. Aujourd’hui, la loi française réprime la prise illégale d’intérêt…

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Auteur: Maïlys