Biodiversité, maladies émergentes, épidémies… Révéler l’invisible grâce à l’ADN présent dans l’environnement

Nous n’en avons pas conscience, mais nous laissons tous notre empreinte génétique dans les lieux que nous fréquentons. En effet, sans nous en apercevoir, nous disséminons quotidiennement notre ADN autour de nous. Il est présent non seulement dans les cellules que nous perdons quotidiennement durant les processus de renouvellement cellulaire, mais aussi dans nos sécrétions (telles que la salive, le mucus) ou nos excrétions (les urines ou les fèces)… Et cela se poursuit après notre mort, puisque nos cadavres en décomposition relarguent eux aussi de l’ADN.

Nous ne sommes pas les seuls à laisser de telles traces de notre passage : c’est également le cas de tous les organismes vivants, des bactéries aux parasites en passant par les plantes, les champignons ou encore les virus. Or, une fois l’ADN libéré dans l’environnement, il peut être prélevé et analysé grâce à la biologie moléculaire et aux nouvelles technologies de séquençage.

Si les séries télévisées et certains procès marquants ont popularisé l’utilisation de ces techniques par la police scientifique, l’intérêt d’étudier les molécules d’ADN présentes dans l’environnement ne s’arrête pas là.

Saviez-vous, par exemple, que leur analyse peut nous permettre de mieux anticiper l’émergence de nouvelles maladies infectieuses ? De surveiller activement l’évolution d’une épidémie en cours ? De suivre l’évolution de la biodiversité ? Explications.

Qu’est-ce que l’ADN environnemental, et comment l’analyse-t-on ?

L’ADN environnemental (ADNe) correspond à l’ensemble des molécules d’ADN présentes dans un milieu donné. Il s’agit de l’ADN qui a été relâché dans leur milieu par les espèces qui y vivent. Sa collecte se fait en prélevant des échantillons de diverses natures : eau douce, saumâtre ou marine, eaux usées, sédiments, sol, fèces, air ou encore glace.

Une fois les échantillons récupérés, l’ADN en est extrait. On obtient alors une sorte de « soupe d’ADN », dans laquelle on va aller « pêcher » des séquences d’ADN spécifiques de certains types d’organismes en les amplifiant grâce à la technique de la PCR (polymerase chain reaction ou « réaction de polymérisation en chaîne »). On compare ensuite les résultats obtenus avec les données contenues dans des bases de données de séquences d’ADN, afin de déterminer précisément à quelles espèces appartiennent les ADN amplifiés.

(Vidéo en anglais).

À partir de l’ADN relâché par les espèces dans leur environnement, on peut donc rapidement identifier non seulement leur présence, mais aussi avoir une idée de leur quantité, en pratiquant une PCR quantitative en temps réel, ou qPCR. Cette méthode fait correspondre le nombre de cycles d’amplification de l’ADN avec une concentration, grâce à l’utilisation d’un échantillon d’ADN « contrôle », de concentration connue.

Il faut cependant savoir que la préservation de l’ADN dans l’environnement dépend des conditions dans lesquelles il se trouve. L’ADN est notamment une molécule très sensible à la température : il sera donc mieux conservé aux basses températures. En outre, dans l’environnement l’ADN se fragmente aussi à cause de la présence de nucléases (des enzymes capables de découper l’ADN). Ce n’est toutefois pas forcément un problème, car les analyses d’ADNe ont justement pour objectif de cibler de courts fragments d’ADN.

Mesurer les conséquences des changements environnementaux

Les analyses d’ADNe présentent plusieurs avantages techniques.

Non invasive, rapide, et relativement peu coûteuse, cette approche permet d’obtenir une « photographie » de la biodiversité d’un lieu à un moment donné. On peut répéter l’opération à différents intervalles de temps, de façon à voir son évolution. Il est ainsi possible de connaître l’état de la biodiversité sur de larges échelles spatiales et temporelles.

Il est de cette façon possible de suivre rapidement et régulièrement l’impact de certains changements environnementaux sur les espèces qui peuplent les écosystèmes.

C’est par ailleurs une méthode qui peut être facilement transférée aux acteurs locaux, à des volontaires non scientifiques et qui peuvent être déployées dans les pays…

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Auteur: Marine Combe, Chargée de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)