Bonnes feuilles : « Déclin et chute du néolibéralisme »

Depuis la crise de 2008, l’idée selon laquelle les banques centrales peuvent se limiter à des interventions monétaires dépolitisées a complètement été remise en cause. Les politiques de taux zéro adoptées dans les pays développés à la suite de la crise financière de 2008, mais surtout les pratiques non conventionnelles dites de « quantitative easing » (« assouplissement quantitatif ») ont permis aux banquiers centraux d’intervenir directement au sein des marchés financiers et les ont transformés en véritables acteurs politiques.

Dans ce texte, extrait de Déclin et chute du néolibéralisme (De Boeck Supérieur, 2022), l’économiste David Cayla étudie le renouveau des théories monétaires dans le monde académique. Il s’interroge sur l’affaiblissement de la pensée monétariste développée dans les années 1960 par Milton Friedman et Anna Schwartz et sur les difficultés des approches hétérodoxes à s’imposer. Selon lui, le problème réside dans la difficulté qu’elles rencontrent à concevoir un cadre économique plus général sur lequel s’appuyer.


Depuis quelques années, les questions monétaires ont été remises sur le devant de la scène par de nombreux chercheurs. C’est une conséquence de la crise financière. Avec la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, les économistes se sont trouvés confrontés à un évènement de « crise systémique », une situation théorique qui ne s’était encore jamais produite à une telle échelle.

L’apparition des cryptomonnaies ou le développement des monnaies complémentaires locales ont montré que la nature de la monnaie pouvait être questionnée et que d’autres mécanismes de paiement ou d’épargne pouvaient apparaitre et concurrencer les systèmes bancaires traditionnels. Plus largement, le monde académique prit conscience, dans les années 2010, que les systèmes monétaires soulevaient de nombreuses questions qui avaient été négligées par la pensée monétariste.

Au sein des économistes hétérodoxes, ce regain d’intérêt intellectuel pour les questions monétaires prit la forme d’une nouvelle approche, la « théorie monétaire moderne » soit, en version originale, la « modern monetary theory » (MMT).

Telle qu’elle est formulée par l’économiste américaine Stephanie Kelton dans Le Mythe du déficit, paru en 2021, la MMT relève davantage d’une nouvelle façon de présenter la relation entre État et monnaie que d’une théorie originale. Pour la présenter brièvement, cette approche repose sur deux grands principes. Le premier est que la monnaie contemporaine n’étant plus indexée sur un actif réel tel que l’or, il n’y a plus de limite au pouvoir de création monétaire. Le second principe est que l’émetteur exclusif de cette monnaie est la banque centrale, c’est-à-dire l’État. Il…

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Auteur: David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d’Angers