Bonnes feuilles : « La Syrie au-delà de la guerre. Histoire, politique, société »

Dans La Syrie au-delà de la guerre : Histoire, politique, société, publié aux éditions Le Cavalier Bleu, Manon-Nour Tannous évalue la justesse de nombreuses idées reçues très répandues – pas nécessairement totalement erronées pour autant – sur la Syrie, plongée depuis 2011 dans une guerre d’une grande violence, qui a déjà causé plusieurs centaines de milliers de morts et contraint des millions de personnes à quitter leur foyer. L’une de ces idées reçues a trait à la relation du régime de Damas avec Moscou. Nous présentons ici le chapitre de l’ouvrage qui examine l’assertion « La Syrie et la Russie sont liées par une alliance stratégique » en analysant la relation bilatérale de l’époque de la guerre froide jusqu’aux développements les plus récents.


« Il était devenu évident que les forces au pouvoir étaient prêtes à développer des relations étroites avec l’URSS. Cependant, les relations entre les deux pays n’ont vraiment décollé qu’en 1970, avec l’ascension d’un régime encore plus radical sous Hafez Assad. […] La Syrie de Hafez Assad était devenue le pilier de la politique soviétique au Moyen-Orient. » (Yevgeny Primakov, ancien ministre des Affaires étrangères et premier ministre russe, « Russia and the Arabs », 2009.)

L’URSS est l’un des premiers pays à reconnaître la Syrie comme État nouvellement indépendant en 1943, la même année que les États-Unis, tous deux faisant pression pour la fin du mandat français. Soucieuse de son indépendance, la Syrie se méfie pourtant de ces puissances qui reconnaissent par ailleurs la création de l’État d’Israël en 1948, et préfère dans un premier temps construire sa politique étrangère en multipliant les accords avec diverses nations, poursuivant un principe de neutralité (hiyâd).

L’imposition des logiques de Guerre froide au Moyen-Orient fait pourtant bouger le curseur. L’année 1955 constitue à ce titre un tournant. Face au pacte de Bagdad pro-occidental annoncé en février incluant entre autres la Turquie et l’Irak, et revenant de la conférence de Bandung des nations afro-asiatiques, la classe politique syrienne oscille entre neutralisme et ouverture à l’est. Une première délégation parlementaire syrienne se rend à Moscou et la Syrie signe son premier accord d’armement avec un pays du bloc communiste, la Tchécoslovaquie. En 1957, l’énonciation de la doctrine Eisenhower, qui promet une aide à tout pays de la région luttant contre le communisme, précipite ces choix.

Le 6 août, la Syrie conclut un accord de coopération avec l’URSS, destiné à soutenir les efforts de développement du pays (irrigation, transports, industrie). Le soupçon d’un volet militaire à cet accord (Carrère d’Encausse, 1975) conduit les Américains à l’interpréter comme un basculement de la Syrie dans le camp soviétique. Les autorités syriennes annoncent par ailleurs la…

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Auteur: Manon-Nour Tannous, Docteure en relations internationales, maitre de conférences en Science politique, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)