Bourses : la place de Paris a-t-elle vraiment détrôné la City de Londres en Europe ?

Cocorico : lundi 14 novembre, la presse française est unanime à saluer la capitalisation boursière de Paris, qui a dépassé celle de Londres. Alors que ces places financières sont rivales depuis plus de deux siècles, Paris a connu de 1914 à 1985 une longue éclipse avant d’entrevoir enfin « la possibilité d’une renaissance ». On lit maintenant qu’elle aurait « détrôné » Londres. Qu’est-ce que cela signifie ?

Commençons par expliquer ce qu’est la capitalisation boursière avant de nous demander comment Paris a dépassé Londres, et comment nous pouvons interpréter cet événement. La capitalisation boursière correspond à la valeur totale des actions cotées dans une bourse. Comme les actions représentent les droits de propriété des entreprises qui les ont émises, la capitalisation d’une bourse mesure donc la valeur des entreprises correspondantes.

Toutefois, cette valeur est virtuelle, à la fois parce qu’elle représente des profits à venir, et parce qu’il n’est pas possible de la convertir en pouvoir d’achat sans vendre tous les titres, ce qui entraînerait leur baisse. Une hausse de la capitalisation n’est donc qu’une promesse.

Et il convient de rappeler à cet égard que :

  • toutes les entreprises ne sont pas cotées, car si la cotation permet d’accéder aux financements de marché elle comporte des coûts et des risques,

  • il existe d’autres sources de financement que les marchés, notamment les banques,

  • il est tout à fait possible pour une entreprise d’un pays donné de choisir d’être cotée par une bourse située dans un pays différent.

Toutefois ces raisons ne suffisent pas à interpréter la dynamique récente des bourses de Paris et Londres.

Les actions hors indices portent Paris

Le 23 juin 2016, c’est-à-dire le jour du référendum sur la sortie de l’Union européenne, la capitalisation à Londres mesurée en euros était de l’ordre de 2 900 milliards, contre 1 750 à Paris. Depuis cette date, la livre sterling a baissé par rapport à l’euro (-6 %) et l’indice boursier de Londres a moins progressé que l’indice parisien : 14 % pour le FTSE contre 30 % pour le CAC 40. Toutefois, ces deux effets combinés n’expliquent qu’un quart du rattrapage opéré par la bourse de Paris.

Les trois quarts restants sont donc dus à des changements hors du périmètre des indices. Ils s’expliquent soit par des introductions ou des sorties du marché, soit par les variations de cours des « petites » valeurs qui ne sont pas comptabilisées par les indices.

Le volume des entrées/sorties apparaît très limité pour Paris (inférieur à 5 milliards par an, avec un solde légèrement positif) et plus significatif à Londres. Outre-Manche, malgré un volume d’introductions bien plus élevé, les pertes sont encore dominantes à cause des acquisitions : dès le 18 juillet 2016, le japonais SoftBank rachetait le fabricant de microprocesseurs ARM pour 24 milliards de livres, d’où son retrait de la cote. D’autres vinrent ensuite, mais le total des flux nets représente moins de 5 % de la variation de la différence entre Londres et Paris, qui est donc due pour près des trois quarts à la variation des actions hors indices, donc des titres des plus petites entreprises qui ont cru beaucoup plus vite à Paris (+150 %) qu’à Londres.

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Si on regarde de plus près la liste des sociétés introduites à Paris, on constate qu’elles ne sont pas toutes françaises : par exemple, Be-Bô est une jeune pousse du secteur santé domiciliée à Genève, Kompuestos, un spécialiste espagnol des plastiques, etc. Ces deux cas sont cependant différents : le premier correspond à une introduction en bourse à Paris, le second à la cotation additionnelle à Paris d’une entreprise introduite au préalable à la bourse de Madrid. Mais alors, la capitalisation de Kompuestos doit-elle alors être comptée pour Paris ou pour Madrid ?



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Auteur: Pierre-Charles Pradier, Maître de conférences en Sciences économiques, LabEx RéFi, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne