Brésil : « Bœufs, Bible et balles » contre Lula

Pablo Stefanoni est journaliste et docteur en histoire. Il est rédacteur en chef de la revue latino-américaine Nueva Sociedad depuis 2011, et auteur du livre La rébellion est-elle passée à droite ? paru en octobre 2022 aux éditions La Découverte. Entretien.




On annonçait une victoire facile de Lula, mais les derniers sondages présagent un duel serré. Comment expliquer le succès de l’extrême droite de Bolsonaro ?

C’est vrai, on pensait qu’il y aurait un écart plus important au premier tour. Même si Lula a réussi à faire un score assez bon (48,4 %), Bolsonaro a obtenu un score plus serré que ce qu’on avait imaginé (43,2 %). Ce n’est pas seulement Bolsonaro : l’extrême droite en général a obtenu un bon résultat au Parlement. Des ultraréactionnaires ont réussi à se faire élire, comme l’ancienne ministre des droits de l’Homme, de la famille et de la femme, Damares Alves, ou encore Ricardo Salles, qui était l’ancien ministre de l’Environnement. On a sous-estimé le réseau de l’extrême droite brésilienne et l’influence culturelle du gouvernement Bolsonaro.

On connaît Bolsonaro pour sa vulgarité, ses positions contre le changement climatique, son négationnisme, son discours raciste et anti-LGBT mais il y a d’autres axes de son discours qui séduisent une partie de la population brésilienne :

  • Il utilise beaucoup les accusations de corruption pour discréditer Lula. Dans les débats, Bolsonaro l’appelait « l’ancien détenu » ou « l’ancien prisonnier » parce qu’il a été arrêté, même si le tribunal a annulé sa peine.
  • Il tient un discours sécuritaire, défend la liberté de porter des armes, dans la même veine qu’aux États-Unis. Il y a même des candidats bolsonaristes qui apparaissent avec des armes à feu dans les spots de publicité électorale.
  • Le discours religieux est très important. Les évangéliques sont une cible de la campagne car la plupart votent Bolsonaro, même s’il ne faut pas croire qu’ils forment un groupe totalement unifié. C’est un peu complexe car il y a aussi un vote de classe : par exemple, dans les États du Nordeste, des populations évangéliques votent Lula. Mais de façon générale, les pasteurs font campagne pour Bolsonaro. Sans compter qu’il a développé une campagne de fake news en répandant la rumeur que Lula avait fait un pacte avec le diable et qu’il allait fermer les Églises. Lula a même dû publier un démenti !
  • Juste avant l’élection, Bolsonaro a augmenté les allocations sociales. Même si son…

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Auteur: Scandola Graziani Reporterre