1866. Buffalo Soldiers. Les « soldats bisons », des soldats afro-américains que l’on enrôlait dans les régiments de cavalerie pour combattre les Indiens.
1983. Buffalo Soldier. Le titre hommage de Bob Marley aux « soldats bisons » sur l’album (posthume) Confrontation.
15 Mai 2023. Buffalo Supremacist. Un jeune homme de 18 ans, suprémaciste blanc, nourri au délire complotiste du grand remplacement, se filme en train de massacrer à l’arme automatique des afro-américains dans un supermarché. Dix morts.
Une nouvelle fois, comme pour Christchurch en Mars 2019, la tuerie est diffusée en Live. Cela ne se passe plus sur Facebook mais sur Twitch. Vidéo signalée et coupée au bout de 2 minutes. Depuis elle continue de circuler, par percolation, par coupage et reprises, en intégralité ou sous forme d’extraits, dans d’autres espaces, sur Twitter, dans des groupes Facebook, dans d’innombrables boucles Telegram. Traces mortifères résiduelles vues des millions de fois. Ceci ne cessera jamais. Tant qu’il y aura des tueurs et des smartphones, il y aura des tueries en live.
Il ne faut pas pour autant s’habituer à l’idée que nous aurons encore à voir l’innommable sans rien pouvoir y faire.
Faire : être en capacité d’arrêter le live aussi rapidement que possible est l’un des axes à améliorer. La tuerie de Christchurch avait été diffusée en direct pendant 17 minutes. Celle de Buffalo pendant 2 minutes. Ceci n’est en rien un progrès. Même 10 secondes d’un massacre en live sont 10 secondes de trop.
Faire encore : être en capacité d’empêcher la rediffusion et le partage, en tout cas fournir par défaut les outils permettant de ralentir, d’entraver, de remettre un peu de friction, de casser les chaînes de contamination virale, voilà l’enjeu singulier. Mais là encore et même si chacun sait, à commencer par les plateformes elles-mêmes, comment faire pour rendre la portée de ces partages aussi infinitésimale que possible, rien de sérieux ne sera fait contre la viralité qui est aux écosystèmes numériques fermés ce que la NRA est au prix Nobel de la paix.
Trois ans après la tuerie de Christchurch, la tuerie de Buffalo. Nul besoin d’attendre un prochain appel de Buffalo aussi vain que le fut « l’appel de Christchurch » : same player shoot again.
Et puis il y a les gens. Et leur regard. Et leur responsabilité. La notre. Pourquoi regarde-t-on la vidéo d’un homme qui en massacre d’autre ? Nous n’y sommes contraints que si nous y sommes exposés en direct. Mais la quasi-totalité des « vues » se fait en différé. Parce que nous…
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Auteur: olivierertzscheid Olivier Ertzscheid