Cambodge et Khmers rouges… ou comment l'Occident réécrit l'histoire — Robert GIL

J’ai fait tout le chemin jusqu’ici pour visiter le camp du dernier chef militaire des Khmers rouges, Ta Mok, le chef de l’armée, connu sous le nom de « Frère numéro cinq » ou « le Boucher ». C’est là qu’il a vécu et c’est de là qu’il commandait à ses troupes. Ta Mok, le bras droit de Pol Pot. Ta Mok, qui a divisé le mouvement, mis Pol Pot en résidence surveillée et qui, très probablement, l’a empoisonné. Ta Mok qui commandait une armée de plusieurs milliers de loyalistes Khmers rouges, entre 1979, lorsque les forces vietnamiennes ont évincé son mouvement du pouvoir, et 1999, quand il a été capturé par les forces gouvernementales. Ta Mok qui est mort en détention en 2006, sans jamais avoir été réellement jugé ou condamné.

San Reoung, l’homme qui assurait la sécurité personnelle de Ta Mok, son garde du corps qui a vécu avec lui pendant des années, nous attend. Il lui manque la jambe gauche, ce qui est commun parmi les civils et les combattants cambodgiens de son âge. Ta Mok aussi avait perdu une jambe dans les combats. Il n’y a en fait qu’une seule chose que je veuille savoir de lui : à quel point les Khmers rouges étaient-ils communistes, et était-ce l’idéologie, l’idéologie marxiste, qui avait attiré de simples paysans dans les rangs du mouvement ?

San Reoung réfléchit un moment, puis répond, en pesant chaque mot : « Ce n’était vraiment pas une affaire d’idéologie… Nous n’en connaissions pas grand-chose. Moi, par exemple, j’étais très en colère contre les Américains. Je suis devenu soldat à l’âge de 17 ans. Et mes amis étaient très en colère, eux aussi. Ils ont rejoint les Khmers rouges pour combattre les Américains, et en particulier la corruption de leur marionnette, le dictateur Lon Nol, à Phnom Penh. »

Je lui demande si les gens de la campagne étaient au courant de ce qui se passait dans la capitale, avant que les Khmers rouges ne prennent le pouvoir ? « Bien sûr qu’ils l’étaient. Les États-Unis ont donné tellement de soutien, tellement d’argent au régime corrompu de Lon Nol. Tout le monde savait à quoi allait l’argent : d’innombrables fêtes somptueuses, des prostituées de fantaisie… Les bombardements américains avaient écrasé nos campagnes sous les bombes. Des centaines de milliers de personnes étaient mortes. Les gens sont devenus fous, ils étaient indignés. Et c’est ce qui a fait que beaucoup d’entre eux ont rejoint les Khmers rouges. »

« Pas à cause de l’idéologie marxiste ? » ai-je demandé à…

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Auteur: Robert GIL Le grand soir