Le dernier quart du 20e siècle bouleverse la restauration scolaire. L’Éducation nationale se désinvestit de la pause méridienne et les sociétés de restauration collective y trouvent un marché à conquérir.
Le modèle artisanal et quelquefois familial des cuisines sur place va basculer dans l’industrie au nom de la maîtrise du risque sanitaire, de la rationalisation budgétaire et de la norme diététique. Un mode de production se développe, celui de la cuisine centrale, en gestion privée ou publique, usine à fabriquer à manger, associé à un mode de distribution, celui de la liaison froide, qui envoie des camions déverser chaque jour dans les écoles de quoi alimenter les enfants au travail.
Quand les enseignants abandonnent la cantine
À la faveur de ces circuits, des métiers techniques s’inventent (diététiciennes, qualiticiennes, managers…) quand d’autres, artisanaux et centrés sur la relation et la proximité, se raréfient (cuisiniers sur place) jusqu’à disparaître (cantinières). Le modèle qui s’invente à la fin des années 1970 scelle la séparation du domaine éducatif et de l’alimentation.
Alors que cuisine et nourriture faisaient partie du quotidien des établissements, des discussions houleuses se font jour à l’école durant tout le 20e siècle, sur le rôle des maîtres en dehors du temps de classe. L’histoire de la présence et du rôle des instituteurs au moment du déjeuner témoigne de l’évolution d’une philosophie institutionnelle, à travers plus d’un demi-siècle de combats syndicaux : être avec les enfants au moment du repas est-il une activité éducative méritant salaire ou bien une tâche subalterne, voire un peu dégoûtante ? Doit-elle faire partie intégrante de l’activité des enseignants ou bien une option ? Est-ce que nourrir a un intérêt éducatif ?
À l’école primaire, la question est tranchée en 1978 lorsque la présence des maîtres pendant la pause…
Auteur: Geneviève Zoïa et Laurent Visier