Carl Einstein (1885-1940) : Entre révolution artistique et lutte armée

Sur la trace de ceux pour qui l’art et la révolution étaient forcément des sphères complémentaires de l’activité créatrice humaine, voire coïncidaient dans des moments historiques précis, on ne pouvait que tomber sur Carl Einstein, même si ce n’était pas une trouvaille facile. Carl Einstein est un allemand qui s’est retrouvé, dans la première moitié du 20e siècle, sur plusieurs fronts de batailles. En tant qu’artiste, théoricien, militant, il mena des combats relevant du domaine esthétique, du monde des idées et –tout naturellement pour lui- des combats armés. En 1940, à bout de force face à un ennemi triomphant partout en Europe, il se donne la mort tout comme le fit son compatriote contemporain Walter Benjamin.

Mais, à la différence de celui-ci, Carl Einstein n’a guère rencontré de reconnaissance après sa mort de la part des milieux intellectuels et politiques, en dehors du cercle de quelques amis et camarades intimes, voire de spécialistes universitaires. C’est grâce à ces derniersque nous avons la chance de pouvoir retracer sa vie et de saisir l’essentiel de son œuvre qui s’avère d’une valeur fondamentale pour répondre à des questions auxquelles nous sommes de nouveau confrontés, aujourd’hui, dans une constellation historique qui ressemble de plus en plus à celle de la première moitié du XXe siècle. Nous allons comprendre les raisons du manque d’intérêt pour ce personnage et pour l’oubli dont il a été victime en soulignant combien sa vision globale, pertinente et intransigeante sur le monde, le rendait forcément dérangeant aux yeux des tenants de l’ordre social, idéologique et esthétique.

Carl Einstein (il ne possède aucune parenté avec son célèbre homonyme Albert), a passé son enfance et son adolescence à Karlsruhe dans le sud-ouest allemand. Son père, Daniel Einstein, occupait un poste de professeur d’école juive dans cette ville d’un calme plat provincial auquel son jeune fils rendra, à l’âge de 20 ans, un hommage sarcastique dans un poème intitulé La ville de l’ennui. En 1930, il écrira dans une Petite autobiographie  : « Le dimanche, les bourgeois faisaient à toute allure le tour du parc géométrique à la française, saluaient, selon le rang social, tandis que moi je purgeais régulièrement mes punitions [du lycée] dans le clocher de l’église. Je préférais passer là mes dimanches à dormir tranquillement au lieu de me laisser gâcher mes après-midis par la bêtise des professeurs. Dans une valise j’apportais de la…

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Auteur: lundimatin