Ce printemps, un vent de démocratie souffle

Le néopaysan Mathieu Yon est chroniqueur pour Reporterre. Il vous raconte régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.

J’étais dans mon champ le 23 mars. Le printemps me réclamait, hurlant plus fort que la rue, plus fort que les charges de CRS. La veille, j’avais entendu des bribes du discours du président, un discours sans tâche, propre, qui sentait l’ordre et la mise au pas. Un discours sans vie. À des années lumières du printemps.

Dans mon champ, je parle aux renards, aux frênes et aux fourmis. Je parle à la rivière aussi. Elle qui voudrait descendre la vallée en secouant rageusement son lit, mais dont la voix est si faible, que je l’entends à peine.

En plantant les pommes de terre, je repense au discours du président et à l’impossibilité d’inventer un autre langage. Il faudrait accepter l’ordre républicain. Mais où ranger nos rages ? Où plier nos pensées ? Que faire de nos mains qui brûlent ? « Le langage marche au pas avec les bourreaux. Voilà pourquoi nous devrons inventer un autre langage », écrivait le poète suédois Tomas Tranströmer.

« Le pouvoir n’arrive plus à parler »

Les discours présidentiels font mal. Ils posent des mots comme des pierres tombales. Ils norment au lieu de nommer. En les écoutant, on a du sable dans la bouche, on prend de la poussière dans les yeux. On se détourne, on fronce les sourcils, on se met à tousser, à cracher ces mots qui ne passent pas.

Le pouvoir fait mal. Il n’arrive plus à parler : il communique, il persuade, il prononce, mais il ne dit rien. Il est muet.

Je siège, pour la Confédération paysanne, à Interfel (association interprofessionnelle nationale agricole). Là aussi, rien ne parle. On distribue des statistiques, des normes. Les discours font un bruit de portes automatiques. Tout est déjà plié, rangé, classifié. Il m’arrive d’essayer de dire quelque chose, de proposer une piste. Mais les mots qui sortent de ma bouche tombent sur la moquette du salon d’Interfel en faisant un bruit sourd. Dans ce lieu, je n’arrive pas à parler, car personne ne m’entend. Personne ne veut entendre que le ciel est asséché, que les rivières pleurent, que les abeilles ont la langue tranchée, et que nous courons tous dans la nuit.

« La France essaie de parler »

Une crise démocratique traverse le pays. Nos lèvres et nos palais ont un goût d’incendie. Nos yeux noirs sont des pneus enflammés. Nous essayons de nous adresser à quelqu’un, avec des…

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Auteur: Mathieu Yon Reporterre