Ce que je retire de ma discussion avec ChatGPT sur la déforestation en Amazonie

Curieux de savoir si j’allais rapidement me retrouver au chômage du fait des progrès des intelligences artificielles, j’ai voulu savoir ce dont le modèle public le plus avancé à ce jour, ChatGTP, était capable sur une thématique que j’estime connaître assez bien.

Je lui ai donc posé une série de questions sur la déforestation en Amazonie .

Conversation avec Chat GPT sur la déforestation en Amazonie.

Un résultat globalement plutôt convaincant

L’interaction avec ChatGTP est fluide, la formulation de ses réponses de qualité. Cette apparence initiale est très importante, car elle conduit souvent à être moins attentif au fond. Manifestement, c’est sur cet aspect que se sont concentrés les programmeurs, avec un résultat exceptionnel.

Au-delà de la forme, on sent que ChatGPT a bien travaillé son sujet. Les réponses obtenues sur les différents environnements présents en Amazonie – même s’il manque les savanes dans sa liste de réponses aux questions 3 et 4 –, la déforestation, la culture du soja, les différents niveaux de responsabilité des acteurs impliqués, etc. sont assez complexes, mettant en avant de nombreuses dimensions.

Quand on demande pourquoi la déforestation pose un problème (question 6), le robot avance cinq éléments : les pertes de biodiversité, le changement climatique, les interférences dans le cycle de l’eau, la dégradation des sols et les impacts sur les communautés locales. Pas mal.

Lorsqu’on demande qui est responsable de la déforestation (question 13 et 15), on obtient aussi cinq catégories (lui aurait-on expliqué qu’on peut en avoir entre trois et cinq avant que le public décroche ?) : les agriculteurs et éleveurs, les exploitants forestiers, les exploitants miniers, les projets d’infrastructure et les politiques gouvernementales. Je ne ferais pas tellement mieux.

Des redondances

Si ChatGTP a bien travaillé son sujet, il semble s’en tenir à un certain nombre de points, répétés inlassablement.

Ainsi, aux questions « Explique-moi ce qu’est la déforestation en Amazonie ? » et « Pourquoi la déforestation en Amazonie est un problème ? », ChatGPT fournit des réponses comprenant les mêmes informations, l’une étant simplement la version développée de l’autre.

Si ces remarques répétées sont plutôt justes, elles ressemblent parfois à des manières de ne pas aller plus loin. Comme si toute tentative d’obtenir un propos plus tranché se heurtait aux probabilités moyennes qui permettent à l’algorithme de fonctionner et à cette absence d’intentionnalité qui caractérise ces productions ; une particularité qui conduit le chercheur en philosophie Fernandez-Velasco à parler de « quasi-texte ».

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Si produire un texte « moyen » (au sens où il propose l’association de mots la plus probable statistiquement) peut faire du sens pour rédiger une carte de vœux, il l’est beaucoup moins lorsqu’on cherche des explications sur un phénomène socio-économique pour contribuer à la connaissance scientifique.

Pas de chiffres précis ni de faits

J’ai donc un peu insisté pour obtenir des éléments précis. ChatGTP étant censé avoir digéré tout le web jusqu’en 2020, il doit donc bien avoir des chiffres à me donner !

J’ai bien été déçu du résultat : me dire qu’il y a eu « des pics de déforestation dans les années 1980, 1990, et début des années 2000 » (question 7) n’engage pas à grand-chose. De même, estimer « qu’environ 2 000 km2 ont été déforestés chaque année entre 2015 et 2019 » (question 7) en Amazonie brésilienne est non seulement faux (c’est plutôt 7 000 km² par an) et surtout bizarre puisqu’on peut très facilement avoir des données précises chaque année par l’Institut d’études spatiales du Brésil (INPE) – que ChatGTP cite comme source (question 20)…

Les données plus récentes semblent mieux…

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Auteur: François-Michel Le Tourneau, Géographe, directeur de recherche au CNRS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne