Ce que l'on croit selon d'où l'on vient

Valentine Fell nous a fait parvenir cette discussion avec une cousine à elle, Ekaterina, née en Crimée en 1982 et installée depuis 20 ans en France. L’entretien est troublant tant les mots de cette femme sont éloignés de la perception occidentale du conflit russo-ukrainien. Il ne s’agit évidemment pas, ici, de relativiser les lectures de l’histoire et de l’actualité où chacun pourrait avoir la sienne en faisant fi de toute vérité. Réviser le soulèvement de Maïdan pour y voir une opération américaine ou prendre pour acquises les images de la propagande russe, tout cela sert évidemment un parti dans le conflit. Mais l’intérêt de la discussion n’est pas dans ces affirmations à peine effleurées, qui renversent simplement la propagande ukrainienne ; il réside plutôt dans le récit, intime et sincère, de la vie d’une personne qui indique la complexité des situations autant que la fragilité des discours officiels mais également les souffrances des populations civiles, quel que soit le camp auquel elles demeurent fidèles par ailleurs.

Ekaterina et moi sommes des cousines éloignées. Nos arrières-grands-mères sont sœurs et issues d’une fratrie de sept enfants tous nés à Simferopol au cœur de la Crimée. Au début du XXe siècle, tous se sont dispersés au grès des opportunités, autour de la mer Noire et plus loin, en France.

La première fois que je l’ai rencontré, c’était en 2002, elle avait 20 ans, moi 12. Eka était venue de Crimée, en voyage scolaire à Paris. Elle n’est jamais repartie, s’est installée en France et y fait sa vie. Sa grande sœur Anna, ses parents, ses neveux, eux n’ont jamais eu le goût du départ. Ils sont tous restés à Simferopol, la capitale de la « presque île », comme elle dit, dans un français découpé. Elle n’a jamais perdu son accent.

Sentant que sa compréhension des attaques qui dévastent aujourd’hui l’Ukraine différait de la mienne, j’ai eu envie de lui poser quelques questions, à elle, dont la jeunesse s’est déroulée sur ce territoire déchiré entre ces deux pays en guerre. Cet échange a eu lieu le dimanche 24 mars. Ce jour-là, le président français a indiqué qu’il parlerait au président de la fédération de Russie pour organiser une opération d’évacuation des habitants de la ville de Marioupol où, d’après un récent bilan communiqué par la mairie, plus de 2 000 civils ont été tués. Depuis son appartement de Rosny, Ekaterina, via Skype, raconte un temps révolu mais déjà sous tensions. Cette histoire…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin