Ce que « sachant » veut dire

Mattheus van Helmont. — « Un savant dans son cabinet, entouré de produits chimiques et autres appareils, examinant une flasque ». Années 1670.

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Le mot prospère aujourd’hui sans qu’on sache s’il désigne toujours la même chose et les mêmes personnes. Il est vrai qu’il a une connotation ironique, pour ne pas dire très négative. S’agit-il, comme on l’aurait immédiatement supposé avant son apparition, de désigner l’espèce ancienne des je-sais-tout ? Ou bien toute personne qui prétend s’arroger un monopole du savoir ? Il s’appliquerait alors à des gens qui ont des titres de spécialistes mais revendiquent une exclusivité qu’on leur dénie. Le terme subvertit en tout cas la différence sociale classique entre professionnels et amateurs, ou entre initiés et profanes. Au nom d’une conception de la connaissance qui ne devrait pas être inégale pour des raisons politiques ou morales ; au nom d’une relativité de la connaissance ; au nom encore des zones sombres de la connaissance (complots et escroqueries) ; ou enfin au nom du droit universel à s’exprimer. Dans tous les cas, il reste cette moquerie pour ceux qui prétendent savoir scientifiquement, là où d’autres rejettent leurs verdicts.

On l’a compris, le « sachant » n’est pas un « savant ». Il n’y a pas si longtemps, moins d’une siècle, on qualifiait volontiers de « savants » les gens exerçant une profession scientifique. Sans doute le terme était-il excessif. Il contrevenait de surcroît à l’humilité qu’une éthique scientifique raisonnable professe. Principe qui n’est pas automatiquement suivi en pratique. La tendance pourrait même être inverse. Toujours est-il que les savants d’hier renoncèrent assez facilement à ce qualificatif présomptueux pour celui de « chercheur ». Outre la modestie, celui-ci était plus proche de leur condition réelle et officielle de scientifiques. « Chercheur » correspond à un statut. Ce changement advint au lendemain de la seconde guerre mondiale avec le développement de grandes institutions de recherche. Cela dit, le terme n’était pas forcément juste non plus puisque, avec l’accroissement des effectifs et la bureaucratisation, certains de ces scientifiques inégalement savants étaient à peine chercheurs. Peut-être était-ce encore faire trop de crédit aux scientifiques ainsi considérés comme un groupe. Ainsi un autre mot est-il venu s’ajouter au lexique : « sachant ».

Sauf à supposer que…

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Auteur: Alain Garrigou