Ce qui est bon pour le peuple

Édouard Vuillard. — « À la Revue Blanche (Portrait de Félix Fénéon) », 1901.

On ne le croirait pas spontanément, mais aller faire un tour sur le site du ministère de la culture n’est pas entièrement synonyme de perte de temps. Il est vrai qu’il y faut quand même une bonne raison, parce que, si on est franc, lorsqu’on lit « La culture, c’est la plus belle forme d’humanité », signé Mme Rima Abdul Malak, on se demande pourquoi s’infliger ça. Ça, et le reste : « créer des liens nouveaux, sensibles et généreux entre les artistes et les habitants » etc. Ah, c’est si gentil, la « cuculture », comme disait Witold Gombrowicz. Et quand elle sera complètement « immersive » et resplendira dans le métavers (un appel à projet — 150 millions d’euros — sera bientôt lancé) alors, on sera tous enfin merveilleusement cucultivés. Et les industries concernées merveilleusement, et si généreusement, prospères.

Lire aussi Jean-Pierre Salgas, « Witold Gombrowicz, en finir avec la cuculture », Le Monde diplomatique, novembre 2016.

Bref, le site du ministère irradie la modernité doublée comme il se doit d’une sorte de « bienveillance » qui n’est pas uniquement une affirmation obstinée de niaiserie. En affirmant sans se lasser (on ne compte plus les occurrences) qu’il « accompagne » et « soutient » , il transforme la mission de service public en aide paternaliste, il devient un « aidant » qui maintient charitablement des nécessiteux soigneusement triés. Alors qu’avec l’argent public mis au service des industries dites créatives, là, on n’est plus dans le « soutien », mais dans l’innovation… Et l’innovant, c’est rentable. Y compris du côté de la si floue « démocratisation culturelle ». Car tout le monde pourra s’immerger. C’est du direct, du « sensible », du ludique. Exemple prôné par la ministre : la…

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Auteur: Evelyne Pieiller