Ce sondeur qui n'aimait pas la critique

Kazimir Malevich, « Quadrilatère et cercle », 1915.

Comment peut-on interpréter la plainte en diffamation intentée par l’IFOP à l’endroit de M. Alexandre Dézé, maître de conférences en science politique ? Telle est la question qui se pose chaque fois qu’un motif de poursuite apparaît comme un prétexte futile. En l’occurrence ici, la critique d’un sondage concernant le massacre de Charlie Hebdo en 2015 portait sur l’échantillon du sondeur : « Avec un échantillon aussi faible, de 515 personnes, ce sondage n’a aucune valeur et ses conclusions sont discutables. La faiblesse méthodologique est délirante et en même temps il existe une croyance indéboulonnable que ces sondages sont de la science ».

Lire aussi Alain Garrigou, « Le retour du bâillon », « Feu sur les libertés », Manière de voir n˚182, avril-mai 2022.

Qu’y a-t-il là de si infamant pour mériter un procès ? Une aberration de la loi sur les diffamations permet, dans les cas d’une plainte pour ce motif, de mettre en examen la personne visée, moyennant un dépôt de caution à la portée des plaignants, caution perdue en cas de défaite judiciaire. Le juge d’instruction ne mène cependant aucune enquête : il se contente de convoquer l’incriminé pour qu’il décline ses nom, prénom et date de naissance. Avec la distance légère de ceux qui sont familiers des choses judiciaires, on soutiendra qu’il n’y a pas beaucoup de risques de condamnation pour la personne attaquée, mais simplement des ennuis, du moins si l’on se fie à la jurisprudence libérale de la 17e chambre spécialisée dans les affaires de presse. Le plaignant ne peut ignorer qu‘il a toutes les chances de perdre son procès. D’où cette question : en pleine campagne électorale, et sachant que des collaborateurs de l’institut n’ont pas été mis au courant, qu’est-ce qui a bien pu mettre ce dirigeant de l’IFOP dans une telle colère ?

Les sondeurs n’aiment pas les critiques venant des milieux scientifiques

Les sondeurs n’aiment pas les critiques venant des milieux scientifiques. Le plus souvent, ils n’y répondent pas, non sans veiller à confiner les critiques suivant la tactique du « cimetière médiatique ». Quand ils le font, ils mènent une défense générale et répétitive, sans jamais citer de nom (sinon celui de feu Pierre Bourdieu). On devine dans cette réserve le souci de ne pas se mettre en porte-à-faux avec le milieu universitaire, où ils possèdent des…

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Auteur: Alain Garrigou