Centenaire de Ousmane Sembène: hommage au Sénégalais "père du cinéma africain"

Le 1er janvier 2023 marque le centenaire de la naissance d’Ousmane Sembène, le romancier et cinéaste sénégalais salué comme le “père du cinéma africain”. Au cours de cinq décennies, Sembène a publié 10 livres et réalisé 12 films à travers trois périodes distinctes. Il a été célébré pour ses œuvres politiques magnifiquement conçues, dont le style va du réalisme psychologique de La Noire de …) en 1966 à la satire mordante de Xala (La Malédiction) en 1974.

Depuis sa mort en 2007, le statut de pionnier de Sembène n’a cessé de s’affirmer. Mais la variété et la richesse de son œuvre, sa capacité à se réinventer en tant qu’artiste, ont souvent été négligées. À l’occasion de son centenaire, il convient de se pencher sur ce qui a fait de lui une présence créative aussi remarquable.

Le romancier : 1956-1960

Contrairement à nombre de ses pairs littéraires, Sembène n’est pas venu à l’écriture par le biais du système éducatif colonial. En fait, il a quitté l’école très tôt et pour devenir autodidacte. Il est né dans la communauté minoritaire lébou de la région de Casamance, dans le sud du Sénégal. Son père était pêcheur. Il s’est ensuite installé à Dakar, la capitale coloniale.

Après avoir servi dans l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’installe en France en 1946. Employé comme docker à Marseille dans les années 1950, il a développé une passion pour la littérature en fréquentant la bibliothèque du syndicat d’obédience communiste, la Confédération générale du travail. Son premier roman, Le Docker noir (1956), explore de manière consciente les difficultés rencontrées par un écrivain noir de la classe ouvrière qui cherche à devenir un auteur publié.

Le roman le plus célèbre de Sembène, Les Bouts de bois de Dieu (1960), est un récit romancé de la grève des chemins de fer de 1947-1948 en Afrique occidentale française coloniale. Cette vaste épopée, qui se déroule en trois lieux différents et met en scène une multitude de personnages, illustre la vision marxiste et panafricaniste de l’anticolonialisme de Sembène. Il pensait que le renversement des puissances coloniales pouvait être réalisé au mieux par des alliances entre travailleurs au-delà des clivages nationaux et ethniques.

Un homme âgé portant des lunettes tient une main contemplative sur sa bouche et regarde au loin.

Sembène plus tard dans sa vie.
Seyllou/AFP via Getty Images

Les Bouts de bois de Dieu est souvent décrit comme le texte classique de Sembène, engagé politiquement et réaliste dans son style. Cependant, il s’est avéré être le point culminant de son exploration du réalisme littéraire.

En 1960, il retourne en Afrique après plus d’une décennie passée en Europe pour visiter un continent libéré de la domination coloniale. Il est célèbre pour avoir déclaré que, assis sur les rives du fleuve Congo, observant les masses grouillantes, dont la plupart ne savaient ni lire ni écrire, il a eu une révélation. Si ses romans étaient inaccessibles à de nombreux Africains, le cinéma était la solution. Il entreprend de devenir cinéaste.

Romancier et cinéaste : 1962-1976

Après avoir étudié le cinéma à Moscou, Sembène réalise son premier court métrage, Borom Sarret (Le Charretier), en 1962. Ce film, qui raconte la journée d’un modeste charretier, constitue une critique acerbe des échecs de l’indépendance du Sénégal, présentés comme le transfert du pouvoir d’une élite à une autre. Comme la plupart des pays africains francophones, le Sénégal a obtenu son indépendance en 1960. Il sera gouverné pendant les deux décennies suivantes par le Parti socialiste, dirigé par le poète Léopold Sédar Senghor, qui cherche à maintenir des liens politiques et culturels étroits avec la France.

Entre 1962 et 1976, Sembène a publié quatre livres et réalisé huit films, des œuvres d’une incroyable diversité esthétique. Il s’agit peut-être de la période de productivité artistique la plus riche de tous les écrivains et réalisateurs africains de l’ère postcoloniale. Sembène a réalisé une série de premières pour un réalisateur noir africain : premier film réalisé en Afrique (Borom Sarret), premier long métrage (La Noire de …), premier film dans une langue africaine (Mandabi).

Il commence à acquérir une renommée internationale, mais les occasions de voir son travail chez lui sont rares. Mandabi (Le…

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Auteur: David Murphy, Professor of French and Postcolonial Studies, University of Strathclyde