Ces bergères en lutte contre le sexisme en alpage

Massif du Diois et chaîne de Belledonne (Isère)

Sous le soleil qui décline, un troupeau de brebis descend les pentes herbeuses du Jocou, à la limite entre l’Isère et la Drôme. Houlette à la main, un berger ferme la marche. En bas, dans la cabane qui jouxte la bergerie, un petit garçon de deux ans gigote pendant que sa mère lui enfile un pyjama. Soudain, les cloches des brebis retentissent. Marie, 42 ans, bergère de son métier, fourre son fils Côme dans les bras de Frida, sa fille de 12 ans issue d’une première union, et se rue dehors pour barrer la route qui descend dans la vallée. « Je suis obligée de laisser mon fils, heureusement que sa sœur gère », regrette-t-elle en rejoignant le berger, Mathieu, son compagnon et le père du petit Côme. Demain, ce sera au tour de Marie de monter le troupeau, laissant ses enfants à son conjoint.

L’image du berger — un homme seul sur sa montagne — est tenace. Pourtant, d’après l’enquête des services pastoraux des Alpes menée à l’été 2019, il y a autant de femmes que d’hommes chez les bergers de moins de 35 ans. Au-delà, elles ne représentent qu’un tiers de l’effectif. « En alpage, on est vraiment ramenées à notre condition de femme, de maman, et d’être une proie aux yeux des hommes », affirme Marie.

Marie, accompagnée de son fils Côme (premier plan), de sa fille Frida, et d’un enfant du voisinage. © Moran Kerinec / Reporterre

Pour la bergère, en activité depuis huit ans, cette défection des femmes est liée aux violences sexistes et sexuelles qu’elles doivent endurer dans le métier, de la part des éleveurs qui les emploient comme de collègues bergers. « Un éleveur m’a dit qu’il me regardait à la jumelle quand je prenais ma douche, qui était dehors. Un jour, un autre m’a touché le sein alors qu’on marchait. Une fois, un mec du village a dit qu’il allait monter me voir la nuit quand il a appris que j’étais la bergère… » énumère-t-elle.

La situation se complique encore quand un couple de bergers se sépare. Marie se souvient d’une consœur qui a vu les alentours de sa cabane incendiés par son ex-compagnon, berger aussi. Malgré les formations existantes, le métier s’apprend encore souvent sur le tas, au bon vouloir d’un berger en exercice, et les bergères rencontrées témoignent que l’emprise de celui-ci peut être forte. En particulier lorsque la relation professionnelle se double d’une relation amoureuse qui se termine mal. L’un comme l’autre doivent continuer à travailler ensemble jusqu’à…

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Auteur: Moran Kerinec, Oriane Mollaret Reporterre