« C'est encore largement à travers un regard colonial qu'est appréhendé Haïti »

Depuis le 9 janvier 2023, il n’y a plus aucun élu en Haïti. Faute d’avoir organisé des élections, il n’y avait déjà plus de parlementaires depuis deux ans et le Sénat était réduit au tiers de ses membres : les dix derniers sénateurs dont le mandat est arrivé à terme en début de cette année. Quant au gouvernement, son mandat a expiré le 7 février 2022, sinon l’année précédente (selon les interprétations juridiques divergentes).

Le Premier ministre, Ariel Henry, nommé par le président Jovenel Moïse deux jours avant son assassinat, le 7 juillet 2021, s’accroche au pouvoir. Face à l’insécurité, la pauvreté, la corruption, le choléra et la faim qui affecte près de la moitié de la population, l’action gouvernementale se cantonne aux réseaux sociaux et aux rencontres internationales. Mais il est vrai que ce gouvernement, discrédité et impopulaire, tire l’essentiel de sa légitimité de la communauté internationale.

Un prétendu accord de « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes » a été signé par le Premier ministre, le 21 décembre 2022, avec des personnalités, une partie de la classe des affaires, de petits partis politiques et de vaporeuses associations de la société civile. Mais sans la participation de l’Accord de Montana, qui regroupe les principaux syndicats, églises, organisations de droits humains, mouvements de femmes et de paysans.

Des élections pour hypothéquer tout véritable changement

Washington et le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) ont salué ce « Consensus national », qu’ils ont eux-mêmes téléguidé, tandis que l’ambassade de France et l’Union européenne (UE) affirment l’« accueillir avec intérêt » et qu’il n’y a pas d’alternative à l’organisation d’élections ; élections, qui, selon cet accord, devraient être organisées cette année.

Les élections, retardées, prévues puis plusieurs fois repoussées depuis deux ans, constituent le mirage qui justifie tout autant la stratégie internationale que le pouvoir d’Ariel Henry. Et qui permet d’écarter l’alternative proposée par l’Accord de Montana : une transition de rupture. On veut, au contraire, des élections au plus vite pour hypothéquer toute chance d’un véritable changement qui mettrait à mal la mainmise de l’oligarchie locale et de l’international.

À la suite de la résolution onusienne du 21 octobre 2022, établissant un régime de sanctions envers toute personne liée ou soutenant les bandes…

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Auteur: Frédéric Thomas