« C'est l'horreur absolue qu'un citoyen, en France, ait la main arrachée alors qu'il manifestait »

Dans Cinq mains coupées, l’écrivaine Sophie Divry nous livre, à l’état brut, la parole de cinq hommes qui ont eu la main arrachée par une grenade lors du mouvement des Gilets jaunes. Comment, en France, pays démocratique, des personnes manifestant pour une vie plus décente peuvent-elles se retrouver infirmes du fait de l’action et des armes des forces de l’ordre ? En plus de ces « cinq mains coupées », une trentaine de personnes ont perdu un oeil et plusieurs centaines ont été blessées pendant les manifestations des Gilets jaunes et les mouvements qui ont suivi. Un an après la mutilation, la littérature se fait l’écho de leur lent parcours de reconstruction psychique. Au-delà des mots et des individus, cette mutilation infligée par l’État à ses propres citoyens nous oblige à repenser le glissement à l’œuvre dans notre société. Entretien.

Basta !  : Pourquoi vous êtes-vous intéressée à ces blessés-là, à cette blessure-là plutôt qu’à une autre ? L’arme de guerre, la grenade GLI-F4 composée de TNT, l’amputation, sont-elles davantage symboliques d’une forme d’écroulement d’un état de droit ?  

Sophie Divry  : J’avais hélas l’embarras du choix en termes de blessures étant donné la puissance de la répression. Les flash-ball ont crevé une trentaine d’yeux et les grenades GLI-F4 ont arraché cinq mains. Cette mutilation-là, une main entière arrachée, c’était nouveau, même si c’est déjà arrivé à Notre-Dame-des-Landes notamment. C’est un symbole d’arracher une main, ça fait très châtiment à l’ancienne. Et puis il y a le rapport de l’écrivaine à la main, l’écriture, la main droite, ça me touche. Ça nous touche tous. L’idée m’est venue au printemps d’aller écouter ces cinq personnes, de recueillir leurs paroles et de faire un livre avec uniquement leurs mots et leur histoire, en un chœur unique. J’ai d’abord rencontré Antoine, des Mutilés pour…

Auteur: Elsa Gambin
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