« C'est un saccage » : à Aubervilliers, le baroud d'honneur des jardins ouvriers

Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), reportage

Ils avaient prévenu qu’ils reviendraient. Cette fois-ci, pas de barricade ni de vêtements noirs, mais des câbles en acier et des cadenas de vélos. Mercredi 2 février, vers 6 heures du matin, une vingtaine d’activistes se sont faufilés entre les machines à l’arrêt du chantier de la piscine olympique d’Aubervilliers, prévue pour les Jeux de Paris 2024. Dans la nuit noire et silencieuse, sept d’entre eux se sont enchaînés à la centrale à béton installée quelques jours plus tôt au milieu des ruines des jardins ouvriers des Vertus. Une ultime tentative pour empêcher l’artificialisation d’un des derniers carrés de terre agricole d’Île-de-France. « Une fois que le béton coule, ce n’est plus possible de récupérer la terre », explique Aimée, l’une des militantes.

Installation des banderoles, plusieurs activistes s’attachent avec des antivols. La police se met en place, à l’autre bout du chantier. © NnoMan Cadoret/Reporterre

Difficile d’imaginer que des plants de salades et de tomates s’épanouissaient il y a encore quelques mois sur cette étendue boueuse entourée de palissades métalliques. Un cratère béant troue le paysage. Deux foreuses géantes s’y dressent, faisant presque passer les pelleteuses pour des jouets pour enfants. Emmitouflés dans leurs manteaux, les activistes tentent de se remémorer ce à quoi ressemblait l’endroit qu’ils aimaient.

Aline faisait partie des « jadistes » qui avaient occupé le jardin cet été, avant d’être brutalement expulsés en septembre. Attachée par le cou à la centrale à béton, elle se souvient : « Là, il y avait un figuier où l’on dormait à la belle étoile. Il avait trente ans. Maintenant, c’est un océan de boue, qui deviendra un océan de béton. »

Les activistes sont arrivés à 6 h 15 sur le chantier. © NnoMan Cadoret/Reporterre

« Un sentiment de désespoir, d’horreur »

Pour cette Parisienne de 51 ans, s’enchaîner est une manière de rendre visible son « attachement viscéral à un monde en train de disparaître ». Les potentielles retombées judiciaires ne l’effraient guère : « Ce qui se profile est bien plus terrifiant que la garde à vue. On crée des endroits où l’on ne peut plus vivre. » Juste à côté d’elle siège Dolorès, la jambe piégée dans un gros cadenas noir. La quinquagénaire avait commencé à cultiver une parcelle des jardins des Vertus après le premier confinement. « Quand je pense à toute la vie qu’il y…

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Auteur: Hortense Chauvin, NnoMan Cadoret Reporterre