Parce que l’idée persiste que les corps précaires puissent encore être productifs, parce que les choses semblent parfois insurmontables et que les mots manquent pour se faire entendre et parler de l’abandon, des crises profondes, de la brutalité, des rapports d’autorité.
— Docteur, écoutez-moi, j’ai vraiment mal aux seins. Ça me tire sur les mamelons. J’ai tellement mal que je peine à respirer. J’ai la cage thoracique toute bloquée, j’ai la gorge serrée et j’ai froid.
— Bon apparemment, enfin d’après ce que je vois, rien de surprenant. Il y a huit petits cochons accrochés dessus et cinq de plus qui se battent pour avoir leur part. C’est quand même étonnant. Ils ont tellement tiré… Enfin, en même temps, je ne sais pas depuis combien de temps vous êtes comme cela… Bref, ils ont tellement tiré que vous avez comme des tentacules sur la poitrine. Vraiment étonnant. Laissez-moi toucher cette glande. Hum… De toutes façons, je ne vois pas ce que je peux faire… On ne peut pas tout couper. Pour vous ça voudrait dire douleurs supplémentaires, alitement, pansements et je n’ai pas le matériel. Sans parler d’eux. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ?
— Je vous dis que je ne me sens pas bien. Enlevez-les. Faites quelque chose.
— Ce n’est pas une solution. Au mieux on pourrait vous emmener tous ensemble mais là, vue la situation, c’est compliqué. Il faudrait un hélicoptère équipé d’une nacelle et, le temps qu’on le commande, et, s’il n’y a pas d’autres urgences, il sera là, disons, au mieux dans deux ou trois jours. Hem, et encore je suis optimiste. En plus, il faudra évider le mur pour vous faire passer. C’est compliqué. On voit bien que vous ne pouvez pas bouger. Ah c’est curieux c’est sûr. Mais apparemment ce n’est pas nécrosé. Là, je touche avec mon stylo. Vous sentez quelque chose ? C’est dur… Vraiment curieux. Vous permettez que je prenne des photos pour montrer à des collègues de la faculté ?
— Docteur, je vais m’évanouir, faites un truc. Enlevez-les…
— Mais quelle idée de se mettre dans une telle situation. Et vous ne vous êtes rendu compte de rien ? Cochonne un jour cochonne toujours… Hum, je plaisante bien sûr, ne faites pas cette tête. Bon ceci dit, il faut prendre une décision et je suis bien embêté. J’ai n’ai rien sur moi et je ne peux pas décemment vous laisser comme cela.
— Merci Docteur.
— Essayez de bouger.
— Je ne peux pas, je suis attachée de part en part, je remue à peine les mains et les pieds, et mes seins tirent, j’ai mal.
— Sur une échelle de 1 à…
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Auteur: dev