Chantal Jouanno : « Il n'y a pas de consensus sur le nucléaire »

Ancienne présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, secrétaire d’État chargée de l’Écologie et ministre des Sports de François Fillon ainsi que sénatrice de Paris, Chantal Jouanno dirige depuis 2018 la Commission nationale du débat public.


Reporterre — À quoi sert le débat public sur la construction d’EPR2 en France, alors que le gouvernement a présenté une loi sur l’accélération du nucléaire dont le Sénat débat dès le 17 janvier ?

Chantal Jouanno — Ce projet de loi accélère les procédures, mais n’emporte en rien la décision de construire ou pas de nouveau réacteurs. Le débat public, lui, met en débat l’opportunité de faire ou pas de nouveaux EPR.

Le gouvernement a lancé cette loi sans attendre la fin du débat, la commission du Sénat ne se pose pas la question de l’opportunité du nouveau nucléaire. N’y a-t-il pas un mépris de la procédure du débat public ?

Ça peut poser des questions, mais pour que demain on construise des nouveaux réacteurs nucléaires, il faudra modifier la loi de Programmation énergie climat pour permettre de dépasser le plafond de production d’énergie nucléaire tel qu’il est fixé aujourd’hui. Les jeux restent ouverts.

Il aurait certes été plus opportun d’attendre la fin du débat et le vote de la loi de Programmation énergie climat pour ensuite débattre des procédures les plus appropriées. Le calendrier n’est pas génial, mais si l’on s’en tient à la stricte interprétation juridique, la loi sur l’accélération du nucléaire ne dit rien de l’opportunité du projet, contrairement à ce qui a pu se faire par le passé. Par exemple, quand il y a eu en 2005 le débat public sur l’EPR de Flamanville, le gouvernement avait fait voter en même temps le principe même de la construction de l’EPR. Là, heureusement, ils n’ont pas fait ça…

Il y a aussi le sujet majeur du financement : en raison de frais financiers plus lourds sur l’investissement nucléaire, les sources renouvelables sont beaucoup plus intéressantes que les EPR. Il y a aussi des arguments territoriaux : par exemple en Normandie, certains disent : « On a déjà le nucléaire, maintenant vous nous mettez les parcs éoliens en mer. Pourquoi le fardeau de la transition énergétique n’est-il pas mieux réparti sur le territoire ? »

Donc tous ces sujets vont être documentés, révélés, mis sur la table. On voudrait présenter les conclusions du débat devant le Sénat et devant l’Assemblée nationale, afin que les parlementaires puissent se saisir de tout ce qui a été dit parce qu’il y a des sujets lourds, qui vont demander des réponses très politiques.

En fait, le débat ne montrera-t-il pas que…

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Auteur: Hervé Kempf Reporterre