Chili 73

Lyon, mai 2019 cc0 ev

Jamais, nulle part, la bourgeoisie n’a rendu les clés de son propre et gracieux mouvement. Pourquoi le ferait-elle d’ailleurs ? Pourquoi laisserait-elle faire la destruction de la société capitaliste, puisque la société capitaliste est pour elle ? Aussi, sous toutes les latitudes, et à toutes les époques, la bourgeoisie a-t-elle le même visage distordu de haine, la même frénésie de faire tirer sur la foule, que cette rombière à brushing et lunettes de soleil saisie par la caméra de Patricio Guzman dans les rues de Santiago en 1973.

Et sinon toute la « bourgeoisie », catégorie sociologique mal définie et qui brasse plutôt large, du moins sa fraction la plus conséquente, consciente de soi comme classe et consciente de ses intérêts de classe — la bourgeoisie ensauvagée.

Par toutes les fibres de son être, cette bourgeoisie, toujours, partout, est versaillaise. C’est en France, en effet, en 1871, qu’elle réalise pleinement son concept et, du même mouvement, indique tout ce qu’il faut savoir de la démocratie bourgeoise. La démocratie bourgeoise est ce régime où l’on peut parler de tout à l’exception de ce qui assoit le pouvoir social de la bourgeoisie — à savoir, en dernière instance, la propriété privée des moyens de production, et la forme particulière d’enrôlement qu’elle détermine : le salariat. Quiconque entreprend de toucher à ça trouvera la bourgeoisie en travers de son chemin.

Leçon de chose

Entre 1970 et 1973, Salvador Allende s’y est risqué. Il en a résulté une leçon de chose politique d’une cruauté qui force la méditation – au moins de ceux qui auraient le projet de recommencer.

Mais quelle idée de retourner au Chili des années 70 en pleine pandémie des années 20 du siècle d’après ? Celle précisément de rappeler à quoi pourrait être confronté le simple désir qu’« après le Covid plus rien ne pourra être comme avant », même quand il voit que le…

Auteur : Frédéric Lordon
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