Chine–États-Unis : gare à la fascination pour le « piège de Thucydide » !

Dans « L’autre Guerre Froide », qui vient de paraître aux éditions du CNRS, l’historien Pierre Grosser fait le bilan de la rivalité opposant les deux grandes puissances du XXIe siècle. Entre ambition de devenir la première puissance de la planète du côté chinois et crainte de perdre le monopole du leadership mondial du côté américain, un conflit armé est un scénario crédible selon la fameuse théorie du « piège de Thucydide », que l’auteur analyse dans l’extrait que nous vous présentons aujourd’hui.

Dans l’histoire, l’ascension rapide d’une nouvelle puissance, soucieuse d’abord d’avoir « une place au soleil », puis de changer les règles du jeu pour qu’elles soient plus à son avantage, inquiéterait toujours la puissance la mieux installée, qui elle-même connaît un déclin relatif. Cela provoquerait nécessairement des guerres. Aujourd’hui, les États-Unis seraient confrontés au dilemme d’accepter ou non les changements tectoniques de la hiérarchie des puissances, et donc la domination qui en résulte de la Chine en Asie, ou de choisir la guerre pour la limiter, avec le risque de s’affaiblir eux-mêmes et de faciliter ce qu’ils voulaient prévenir, une transition vers la domination chinoise.

Cette thèse a été popularisée par un vétéran de la science politique, Graham Allison, sous le terme de « piège de Thucydide », afin d’avoir un vernis d’humanités, une prétention scientifique, et des citations au rabais (comme pour la « fin de l’histoire » ou le « choc des civilisations », qui sont aussi accusées de devenir des prophéties auto-réalisatrices).

La comparaison avec 1914, qui est développée dans l’ouvrage, ne tient pas, tout simplement parce que la Première Guerre mondiale n’a pas été causée par la rivalité entre Berlin et Londres (je le montre plus en détail dans l’étude de l’IRSEM La course aux armements navals avait été gagnée par les Britanniques dès 1912, et comptait moins que la course aux armements terrestres de l’Allemagne avec la France et la Russie. Les ennemis traditionnels de l’Allemagne étaient ces deux pays, qui étaient aussi, dans l’Empire, ceux des Britanniques, ce qui rendait possible un renversement des alliances.

Aujourd’hui, il faut tenir compte des tensions sino-indiennes et sino-japonaises, ces dernières étant parfois aussi comparées aux relations anglo-allemandes d’avant 1914. La proximité…

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Auteur: Pierre Grosser, Professeur de relations internationales, Sciences Po