Chlordécone et biodiversité antillaise : une contamination aux effets encore trop méconnus

Près de 80 % de la biodiversité française est présente dans les territoires français d’outre-mer. Mais cette biodiversité subit un déclin sans précédent, comme l’indique la liste rouge des espèces menacées établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature.

En Guadeloupe, par exemple, 15 % des espèces animales terrestres, marines et d’eau douce sont menacées d’extinction.

La pollution chimique est identifiée comme l’une des principales causes de ce déclin, avec le changement d’affectation des terres et des mers, l’exploitation directe non durable des ressources biologiques, le changement climatique ou encore les espèces exotiques envahissantes.

Parmi les polluants chimiques, les pesticides, utilisés pour la protection des cultures mais aussi, bien que de façon de plus en plus restreinte, pour des usages non agricoles comme l’entretien des jardins, des espaces verts et des infrastructures, constituent une classe de substances préoccupantes.

Dans ce contexte, les ministères français chargés de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Recherche ont confié à l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et à l’Institut français de recherche sur l’océan (Ifremer) la réalisation d’une expertise scientifique collective (ESCo) visant à dresser un inventaire des connaissances scientifiques relatives aux impacts des pesticides sur la biodiversité et les services écosystémiques, en métropole et dans les territoires ultra-marins.

Mieux connaître les effets du chlordécone

Cette expertise, qui a mobilisé 46 experts scientifiques pendant deux ans, souligne que le pesticide le plus étudié dans les territoires français d’outre-mer est le chlordécone, un insecticide organochloré utilisé massivement aux Antilles françaises de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier (Cosmopolites sordidus). Hautement persistant et bioaccumulable, le chlordécone constitue une préoccupation sanitaire, environnementale, agricole, économique et sociale.

Depuis 2008, le gouvernement français a successivement déployé quatre plans d’action pour développer les connaissances sur le chlordécone, mettre en place des mesures pour réduire la contamination et permettre une meilleure communication dans le but de protéger les populations. Le plan actuel couvre la période 2021-2027.

En matière d’environnement, cette politique publique a contribué à améliorer les connaissances sur l’état de la contamination et le devenir du chlordécone dans les différents compartiments des milieux terrestres et aquatiques, y compris le biote végétal et animal. Pourtant, des lacunes persistent.

Une forte concentration dans les sols

En Guadeloupe et en Martinique, le chlordécone est retrouvé dans les sols, les eaux de surface et les sédiments des cours d’eau et des zones marines, mais aussi dans les organismes qui y vivent.

Dans les sols, où elle est fortement adsorbée, les cartographies de la contamination réalisées en Martinique et de manière moins détaillée en Guadeloupe, révèlent une contamination importante, notamment dans les parcelles cultivées ou anciennement cultivées en bananes et dans les parcelles voisines.

Ainsi, la cartographie de la pollution des sols par le chlordécone réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) mettait en évidence en 2020 qu’en Martinique, sur 11 349 hectares analysés, 52 % présentent une concentration de chlordécone détectable.

En Guadeloupe, les données encore fragmentaires collectées sur 5 140 hectares révèlent un résultat identique.

À côté du chlordécone, quelques produits de transformation de la molécule ont été identifiés. La plupart proviennent de la dégradation (abiotique mais aussi biotique, notamment par des micro-organismes) de la molécule mère. Leurs concentrations varient de quelques mg/kg à plusieurs centaines de mg/kg selon le type de sol.

Une partie de ces produits de transformation pourrait aussi être issues de formulations commerciales, qui peuvent parfois contenir des impuretés.

Chlordécone : le scandale sanitaire expliqué (Le Monde, 28 juillet 2018).

Une présence en milieux aquatiques

Dans les milieux aquatiques, la principale source d’apport…

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Auteur: Wilfried Sanchez, Ecotoxicologue, directeur scientifique adjoint, Ifremer